Monsieur Al Gore, ex vice-président des Etats-Unis, se bat pour la reconnaissance des risques engendrés par les changements du climat. Il a partagé à cet égard en 2007 le prix Nobel de la Paix. Il a écrit : « An Inconvenient Truth » (une vérité qui dérange), dont un film a été fait.
Il vient de sortir un nouveau livre : « The Future », et c'est à ce titre qu'il a été interviewé par Ira Flatow, journaliste de l'émission de vulgarisation scientifique Science Friday , sur NPR (National Public Radio) le 8 Mars dernier.
Je ne veux pas parler ici de son combat et de ce qu'il représente pour la cause de l'environnement aux USA et peut-être dans le monde.
Ce qui a retenu mon attention, c'est sa vision du monde politique. Il explique que « nous (les USA) » avons deux immenses, puissants outils avec lesquels « nous » pouvons façonner le futur de notre planète. L'un est la démocratie, l'autre est le capitalisme. Cependant, d'après lui, les deux ont besoin de sérieuses réformes.
Toujours selon lui, seuls les Etats-Unis, et ceci serait la vision partagée par de nombreux autres pays, sont capables de fournir une direction mondiale.
Toutefois, il estime qu'avant tout les USA sont confrontés à un challenge particulier car la démocratie dans ce pays a été confisquée (hacked). Il faut donc que les Etats-Unis (ourselves) se « remettent au volant » afin que l'humanité puisse retrouver un certain contrôle sur sa destinée. Il faut absolument que ce pays remédie à ces problèmes de démocratie et capitalisme.
« Notre système de fonctionnement dans notre pays est la Constitution, et ce système a été confisqué par la finance, le poids des conglomérats, les intérêts particuliers et le lobbying. La finance joue un rôle extrêmement malsain dans notre démocratie aujourd'hui. Son emprise n'a fait que s'accroître depuis que la télévision a remplacé les médias traditionnels devenant le principal vecteur utilisé pour parler de la démocratie. »
Ce qui pourrait paraître naïf à première vue est ensuite développé :
la télévision est un média dominant et qui fonctionne en sens unique (déverse l'information). Son accès est réservé aux politiciens bénéficiant de ou étant soutenus par de grandes fortunes, ce qui a enclenché un cercle vicieux car il faut toujours plus d'argent pour y avoir accès. Un sénateur ou un membre du Congrès américain est dans l'obligation de consacrer 5 heures par jour à trouver des contributeurs financiers. Il n'est donc pas étonnant que les buts de ces élus ne correspondent plus guère aux utopies des pères fondateurs de la Constitution. Les représentants du peuple sont devenus des « quêteurs » qui vont faire passer l'intérêt de leurs sources financières avant tout autre chose, afin de pouvoir être réélus.
Al Gore ajoute qu'il y a un autre symptôme à ce qu'il vient de décrire. Il y avait pour acquis que l'on allait chercher les meilleures preuves disponibles, en discuter et en débattre. Mais une fois atteint ce qui est considéré comme le plus près de la vérité, alors la question devient que doit-on faire avec ces faits que nous avons établis. Ces faits sont des champs de bataille et ceux qui ont les plus gros et puissants mégaphones sont tentés de croire qu'ils peuvent continuer à s'imposer et même créer leurs propres réalités artificielles.
Les conséquences sont très dangereuses. Et Al Gore évoquent rapidement deux exemples :
- Quand le Sénat américain (nous dit-il) a voté et approuvé l'invasion de l'Irak, 75% des américains étaient convaincus par ces énormes mégaphones que Saddam Hussein était le principal responsable des catastrophes du 11 Septembre.
- Les prêts hypothécaires (à risque) subprimes ont été présentés avec succès comme pratiquement sans risque, et l'on en connaît les résultats.
Dans chacun de ces cas, la vérité a été occultée.
Un autre exemple donné par Al Gore concerne les antibiotiques et l'impossibilité d'avoir une réglementation fiable compte tenu du poids des firmes agro-alimentaires et pharmaceutiques.
Dans toute démocratie fonctionnant correctement, dit-il, ces pratiques malsaines et dangereuses seraient interdites. Mais la démocratie américaine a été confisquée, et il est impossible d'obtenir quelque réforme que ce soit par le Congrès dans son pitoyable état actuel. (Al Gore).
Pour qu'un ex-vice-président des Etats-Unis puissent ainsi parler, il faut croire qu'une révolution dans la politique est en marche dans ce pays.