Gardenia est le nom d'une fleur qui ne vit qu'un jour
C'est aussi le nom d'une pièce, fruit de la réunion de trois artistes gantois: Le chorégraphe Alain Platel des ballets C de B, le metteur en scène Franck Van Laeke, et l'actrice transexuelle Vanessa Van Durme.
Gardénia fut l'un des temps forts du Festival d'Avignon en Juillet dernier, avant de partir en tournée, la troupe s'est posée au Théatre National de Chaillot la semaine passée.
Théatre, danse, cabaret, performance? qui s'en soucie.....
c'est une pièce où les mots spectacle et artiste gagnent leurs lettres de noblesse
© Luk Monsaert
L'idée est venue de l'actrice Vanessa Van Durme à partir du documentaire « Yo soy asi » de Sonia Herman Dolz, qui raconte la fermeture d'un cabaret de travestis à Barcelone.
Pour réaliser le projet Vanessa V D a fait appel au chorégraphe A Platel, avec lequel elle avait déjà collaboré dans Tous des indiens, et à Frank Van Laeke à qui elle doit la mise en scène de son bouleversant solo "Regarde maman, je danse " qu'elle joua à travers l'Europe et aux Etats Unis.
Elle y parlait, de son changement de sexe et de son long chemin pour devenir une femme.
Aujourd'hui, avec Gardénia, l'actrice convoque une bande de copains, anciens artistes travestis, transexuels et sexagénaires, rangés. .. « Comme pour un dernier tour de piste » .
Pour faire miroir, ils sont accompagnés du jeune Timur seul « vrai » danseur du groupe et de Griet Debacker, une « vraie » femme quadragénaire.
Car Gardénia c'est aussi le récit intime de ces neufs personnages.
« Demain le cabaret Gardenia ne sera plus... »
Ils sont là , sur la scène, face à nous, neuf personnages en costume d'homme de couleur terne ...uniforme.
Ils arpentent, ils trimballent leur fatigue, leur spleen, leur grisaille, leurs cicatrices dedans dehors,
ils trainent leur fragilité, ils ont l'air si vulnérables.
Sur la musique de for ever young ils errent sur scène.
La grande meneuse de revue Vanessa Van Durme de sa voix rauque présente les artistes. Elle les appelle un à un, chacun par leur nom très connotés,un peu « vacharde», elle les égratigne au passage avec des blagues crues, un peu cruelles.
Elle impose au public, complaisant, une minute de silence pour les « chers disparus »..
Le ton est donné, celui de l'auto dérision.
© Christophe Raynaud de Lage
et... la métamorphose, commence sur la musique de Verdi ....si belle Traviata, légère et toute pleine de mélancolie, l'atmosphère change, c'est comme une éclaircie. Les scènes se succèdent, entrecoupées « d'arrêts sur images », dont on s'amuse beaucoup, lentement, comme un long effeuillage minutieux, la transformation s'opère.
L'effet est assez saisissant.
Saisissant car dès les premiers instant, un petit miracle s'opère, on oublie l'outrage du temps, les fracas de la vie, les corps abîmés. Les artistes sont transcendés,lentement ils s'habillent de petites robes fraîches, comme une première transition avant la métamorphose finale.
« De vieux messieurs deviennent des femmes éclatantes, exubérantes, magnifiques. » Alain Platel
Car c'est ainsi que se déroule le spectacle, lentement.
Chaque phase de la transformation est magnifiée encensée par la mise en scène, le choix des musiques de Steven Prengels, mais aussi par le plaisir que ces artistes prennent dans ce « jeu » de la transformation, du maquillage,de la représentation.
Cabaret oblige le spectacle fait appel à la chanson...populaire
Comme par exemple dans un magnifique solo, lascif et drôle, interprété par le jeune Timur sur « je suis un homo comme ils disent... »de Charles Aznavour
Des mots crus, des blagues homophobes, clichés, stéréoptypes, les strass, les paillettes ...Et pourtant pas de caricature de mauvais goût, ici on est dans l'authentique et çà n'est jamais factice.
Gardénia c'est une histoire, qui parle de la quête du bonheur, de l'identité, de l'amour,c'est l'histoire de ces neuf vies, de ces chemins parcourus.
est-ce que ma vie est belle?
On oscille entre masculin et féminin, entre passé et présent
entre virtuosité, celle du danseur Timur entre autre... et maladresse entre rires et angoisses
entre l'espoir et la nostalgie
et même parfois entre l'exaltation et l'ennui..
Mais dans Gardénia, jamais de larmoiement, où de voyeurisme, de la dignité,de la finesse.et de l'humour.
Avec ces personnages si généreux,drôles et lumineux, on est dans l'humanité, le sincère, dans la vie.
Gardénia c'est ce genre de spectacle dont on sort, plutôt réjoui et un peu moins « petit ». Malgré certaines longueurs, qui diluent par instant la force du propos, c'est pour ma part la pièce de Platel, qui m'a le plus touchée. Une de ces pièces qui s'imprime dans la mémoire, qui donne de l'espoir et dont on sort un peu moins ...étriqué.
© Luk Monsaert
- Créé et joué par: Gerrit Becker, Griet Debacker, Andrea De Laet, Richard "Tootsie" Dierick, Timur Magomedgadzjeyev, Danilo Povolo, Rudy Suwyns, Vanessa Van Durme, Dirk Van Vaerenbergh
Un entretien de Vanessa Van Durme pour le journal Tétu