Il faut être bien à côté de la plaque pour faire un coup pareil. En politique, la dernière tentée s'en est mordu les doigts : en prétendant doubler le salaire des enseignants, Anne Hidalgo a brûlé vite fait une des dernières cartouches de sa campagne présidentielle, dont on connaît le brillant résultat. Doubler la mise, ça faisait un peu banco, moment d'ivresse au casino, pas très sérieux…. Les médecins libéraux qui réclament de passer la consultation de généraliste de 25 à 50 euros sont encore plus aveugles que la maire de Paris à la réaction du grand public. Parce que le populo sait pertinemment que les profs – qu'il les aime ou pas, c'est une autre affaire – sont aussi mal payés que les toubibs le sont très correctement. Le ridicule n'en est que plus flagrant…
Que ces derniers soient submergés de boulot, on le comprend aisément, vue la difficulté de plus en plus criante dans l'accès au soins : ça hurle, partout ! Il faut lire les deux pages de Vanessa Schneider dans le Monde du 16 janvier où elle conte la maladie et la fin de vie de son père, l'écrivain et psychanalyste Michel Schneider : si même dans ce milieu-là on est aussi maltraité… Le système est complètement déconnant, c'est hélas très clair.
+ 100 % ! Cette réclamation incongrue ne s'accompagne justement d'aucunes concession ni même idée du côté de l'accès aux soins, en ville, en campagne ou à l'hôpital, ou simplement de l'attribution d'un médecin référent à tout le monde. Du coup, elle agit comme un brutal et terrible révélateur. Cause ou conséquence ? Ces toubibs de 2023, qui ne pratiquent plus qu'exceptionnellement la visite à domicile, sauf SOS médecins et quelques autres, semblent totalement ignorer la réalité des milieux et niveaux de vie de leur patientèle. Rien à voir avec le diagnostic, direz-vous ? Ces “crânes d'œufs” sélectionnés à seule force de QCM, justifiant haut et fort leurs revenus par leurs années d'études financées par l'impôt, s'intéressent-ils encore un peu à ceux et celles qui le payent, et pas juste à la liste de leurs symptômes – n'en ont-ils pas en réalité plutôt la trouille ? En tous cas, devant cet impudent 100 %, ceux et celles-là commencent à les regarder d'un œil sévère.
Elle s'éloigne très vite, l'époque où le médecin de campagne, introduit voire vénéré dans chaque famille, était quasiment élu d'avance à la mairie ou au canton. Il était bien sûr un bourgeois, mais tout à l'écoute de la maladie et de la société qui l'entouraient. Ses successeurs macronisés les préfèrent en télétravail, inconscients de leur dû à une Sécurité sociale dont ils-elles ne connaissent trop souvent que la carte vitale – l'horreur version Schneider… Quand même conscients d'un petit problème, ils-elles ont pourtant un mal de chien à l'idée de céder un poil de leur pouvoir de prescription, et surtout de leurs potentiels honoraires, à d'autres professions susceptibles de desserrer l'étau actuel – la leur s'en révèle fort incapable, Ordre en tête. Ainsi les infirmières de pratique avancée se prennent moult bâtons dans les roues, cf. le dernier papier de Caroline Coq-Chodorge dans Mediapart. Elles évoquent par ailleurs les “officiers de santé” du XIXe, autre piste à réétudier urgemment.
Dans l'immédiat, les médecins libéraux feraient bien de se mêler intelligemment et donc différemment de ces affaires, c'est-à-dire en considérant qu'il s'agit d'abord de santé et de politique publiques, plus que de médecine privée. À savoir : réfléchissez bien… Écoutez mon pouls avant vos banquiers, vos patients avant vos syndicats, et dites-vous bien que si la droite vous a toujours traités en chasse gardée électorale – normal… –, c'est le meilleur de la gauche qui a créé cette sécu faisant de vous la profession la mieux protégée du monde. Prêts à vous déconventionner, camarades ?