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Billet de blog 7 février 2024

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« C'était de l'amour »

Je parle depuis ma petite position, non pas en tant que psychologue ou psychiatre (ce que je ne suis pas), mais plutôt en tant que personne ayant vécu l’emprise. Mes mots ne seront pas beaux, ils seront moches, parce que, oui, c'est moche, l'emprise. Le viol, c'est moche, le sexisme, c'est moche. C'est pas là pour faire beau. Et il faut en parler. Parce que c'est partout.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

"C'était de l'amour", qu'Il disait.

Il était "très amoureux", disait Benoît Jacquot (1).

J'étais majeure, très jeune, lui vingt-cinq ans de plus, mais aucune obligation, on étaient deux adultes consentants, qu'Il disait.

Elle était "extrêmement autonome", dit Benoît Jacquot.

J'étais "spéciale", "pas comme les autres", "divine", "envoûtante", "délicieuse", qu'Il disait.

"J'étais happé par elle. C'est moi, sans ironie, qui ai été sous son emprise pendant six ans", dit Benoît Jacquot.

J'étais "son secret", sa "première fois", sa "folle histoire", qu'Il disait.

"Elle a eu un rôle déterminant, extrêmement favorable, qui a éclairci ma vie", dit Benoît Jacquot.

Je lui disais de ne pas me montrer son corps, j'avais peur, mais je pensais que mon "apprentissage" était nécessaire, comme Il disait.

"C'est bizarre de faire ça avec un adulte. Son corps et son sexe sont ceux d'un adulte", dit Judith Godrèche.

J'étais coincée, j'étais incapable de le quitter, je ne voulais pas l'abandonner, j'étais attendrie. Je défendais cette "relation" parce qu'elle remplissait ma vie, elle prenait toute la place.

"C'était impossible, tout mon monde était lié à lui", dit Judith Godrèche.

Il avait un statut, une position que je n'avais pas. Il avait son royaume, son assise, et une grande culture qui m'impressionnait. 

"Elle voulait être actrice, elle avait un cinéaste sous la main", dit Benoît Jacquot.

Il ne fallait pas en parler, c'était "notre petit secret", qu'Il disait.

"Elle avait une clé de l'appartement et elle partait seule pour tourner. Séquestrer quelqu'un, ce n'est pas cela", dit Benoît Jacquot.

Mais qui comprend l'emprise ?

Judith Godrèche, aujourd'hui, nous dit qu'il était "tout", qu'il était "son univers entier" (2), que ses "joies" et ses "douleurs sont suspendues à son contrôle". Elle dit sur France Inter que c'était comme "une main qui se referme sur votre cœur et qui serre, et qui serre, et qui serre" (3).

Moi, quand j'y pense, j'ai la sensation que ce n'était pas moi, que quelqu'un d'autre était dans ma tête et contrôlait mes bras, mes gestes, mes pensées, mes envies. A distance, mais toujours là, chaque matin, chaque soir, des messages, pour savoir ce que je faisais, pour ne pas me lâcher, pour ne pas que j'oublie qu'Il était là. Quand quelques années après, il en parle comme d'une relation amoureuse, je vrille : je vois sa main sur ma tête, se refermer sur moi. Si c'était de l'amour, pourquoi je souffrirais ? Où était ma dignité ? Si Il utilisait tous les termes de l'amour, ce n'en était pas, mais c'était là le piège.

Il était, pour moi aussi, mon univers entier, mon monde, alors même qu'on n'habitait pas ensemble, alors c'est dire la force d'une emprise. J'étais coincée, je n'avais aucune échappatoire, aucune porte de sortie.

Et non, Benoît Jacquot, l'isolement, la séquestration, ce n'est pas seulement physique, géographique. C'est aussi, et avant tout, psychologique. Cela peut être seulement psychologique. L'emprise, c'est une séquestration mentale.

Je ne prétends pas avoir vécu les mêmes faits rapportés par Judith Godrèche, et je ne veux surtout pas parler à sa place. Ce n'est pas la même histoire, mais c'est le même modus operandi, le même phénomène, les mêmes ressorts, les mêmes mots, la même stratégie prédatrice. Je reprends alors ses paroles, qui sont tellement salutaires pour moi et pour lesquelles je la remercie chaleureusement.

Je la remercie également pour la série, qu'elle a écrite et réalisée, Icon of French Cinema, diffusée sur Arte, qui a été pour moi une des premières œuvres culturelles parlant très finement de l'emprise. Judith Godrèche y aborde le phénomène de l'emprise avec beaucoup de subtilité et de finesse. [Attention spoiler/divulgâchage]

Cette série et ses prises de paroles dans les médias, c'est pour moi la première fois que j'entends parler d'emprise avec autant de vérité, d'acuité et de finesse.

Dans l'émission Quotidien diffusée le 10 janvier dernier, elle dit que Benoît Jacquot avait pris "la place du père", que c'était comme "être dans un culte", "sous l'emprise d'un leader". Elle parle aussi d'une "force vitale", d'une "force de survie", de ses tentatives de sortir de l'emprise. Moi, je ne sais toujours pas comment j'ai pu tenir, comment j'ai fait pour survivre à cette période. Ce n'était pas moi, j'étais une autre personne.

Oscar Wilde disait : "Toute influence est immorale. Influencer quelqu'un, c'est lui donner son âme". Je ne dirais pas que c'était de l'influence, ce serait minimiser, mais il y a un peu de ça : son âme était à la place de la mienne.

Pourquoi j'en parle aujourd'hui, après tant d'années ?

Judith Godrèche a réveillé en moi plus que ce que je pensais. Ses propos m'ont ramenée des années en arrière. J'ai déjà parlé. Parce qu'il fallait me reconstruire, mais aussi parce qu'Il se présentait comme un allié des femmes, comme un défenseur de leurs droits, comme si de rien n'était, comme si Il n'était pas le problème. Ne pense-t-il pas à sa propre fille, qui fera face aux mêmes risques de violences de genre ? Je me le suis toujours demandé au fond de moi.

Et je parle encore aujourd'hui, parce que ce n'est pas fini, l'impunité, et surtout l'ignorance (orchestrée ou non) des phénomènes d'emprise.

On parle de plus en plus des violences sexuelles, mais presque jamais de l'emprise, alors que la première fois que j'ai lu ou entendu des témoignages de femmes sur des violences sexuelles qu'elles ont subies, le mot revenait toujours. Moi, qui me pensais illégitime à parler de violence sexuelle me concernant, je découvrais que l'emprise était partie intégrante de beaucoup de faits de violences sexuelles.

91 % des viols sont commis par une personne connue de la victime, très peu le sont par des inconnus, des marginaux, des "monstres" dans la rue, dans un parking souterrain. Comment ces hommes (96 % des violeurs sont des hommes), comme tout le monde, font-ils, si ce n’est par l’emprise ? Est-ce systématiquement par la violence physique ? Je n'en suis pas sûre. Ce n'est pas toujours le cas en tout cas. Je ne sais pas s'il y a des chiffres là-dessus, mais on sous-estime trop souvent la part de manipulation psychologique, la part d'emprise dans les faits de violences sexuelles : cette emprise qui mène à la violence sexuelle.

On ne peut pas parler des violences sexuelles, sans parler de l'emprise. On ne peut pas mieux les comprendre, sans comprendre l'emprise.

La culture du viol dans laquelle on baigne, fait qu'on interroge davantage le comportement de la victime, souvent en pointant du doigt le fait qu'elle soit revenue voir son agresseur ou qu'elle ait pris une part active dans sa situation. Personne ne se demande donc pourquoi elle agit comme tel ? Pourquoi elle est revenue vers lui, par exemple ? Pourquoi "elle s'est laissée faire", hormis les cas de sidération ? Pourquoi elle a cédé ?

Pourquoi j'ai cédé ? Pourquoi j'ai obéi ? Pourquoi je l'ai laissé faire ? Pourquoi j'ai fait de moi-même ce qu'il voulait ?

C'est ça l'emprise. Voilà de quoi on parle.

Comment, même quand il s'agit de personnes adultes, l'emprise se referme-t-elle sur elles ?

Encore aujourd'hui, malgré les années de reconstruction, il reste ce résidu de culpabilité et de remise en question : j'étais majeure, j'étais censée savoir, j'étais censée ne plus être une enfant. Pour la société, je ne pouvais pas être vulnérable.

La culture du viol, ou plutôt le culte de l'innocence

Mais quand il s'agit d'emprise, et plus largement, de prédation et de violence sexuelle, c'est loin de n'être qu'une question d'âge, c'est aussi et surtout une question de vulnérabilité, de position inégalitaire entre le non-sachant et le sachant, c'est un acte de domination sur l'autre.

La scène qui a été pour moi la plus brillante et la plus percutante, de ce point de vue-là, dans la série Icon of French Cinema, est celle où sa fille Zoé est déçue par la réponse que lui donne Mark, son professeur de danse, quand elle lui demande ce qu'il voit en elle : il lui répond qu'il voit de l'innocence. Après cela, elle fuit et ne s'intéressera plus à lui.

L'innocence. L'innocence, la mienne qui L'a attiré, celle qui a attiré Benoît Jacquot, celle qui attire Mark dans cette série, est très souvent romantisée et érotisée, pour excuser un agresseur, pour minimiser ses actes. Parce qu’on valorise, romantise, depuis longtemps, la figure de la vierge, de l'ingénue, une image de pureté encensée dans l'imaginaire collectif, véhiculée dans tant de représentations culturelles. Pourtant, en même temps, la défense du prédateur consiste toujours à accuser l’ingénue de ne pas l’être vraiment, alors que c’est justement son innocence qu’il a ciblée. On retrouve la stratégie classique de l'inversion de la culpabilité.

La rhétorique adoptée par Benoît Jacquot dans sa défense, devant les journalistes du Monde, emprunte la même stratégie de prédation : il aurait été "responsable d'avoir été sous le charme" de Judith Godrèche, ce n'était pas vraiment de sa faute. C'est vieux comme le monde, cette inversion de la culpabilité, encore et toujours, cette diabolisation de la figure de la femme, depuis Eve jusqu'à nous toutes, et plus spécifiquement, celle de la jeune fille innocente mais qui ne l’est jamais. Une femme n’est jamais innocente, elle ne l’est que quand cela arrange l’agresseur.

Caricatural ? Mais le Patriarcat ne l'est-il pas, caricatural ? Ce sont des choses, des poncifs, des préceptes qui certes sont anciens et ne se montrent plus comme tels aujourd’hui, mais ils ont évolué sous d'autres formes, ils demeurent malgré le passage des époques. Encore aujourd’hui, cette culture du viol nourrit l’accusation perpétuelle qui accueille la parole des femmes et jeunes filles, qui témoignent des violences dont elles ont été victimes : elles étaient forcément un peu consentantes, non ? Une accusation, qui n'interroge ni ne vise jamais le comportement de l'adulte, quand il s’agit d’une victime mineure, ou plus largement, le comportement de celui qui sait, de celui qui peut, de celui qui a le pouvoir, quel qu’il soit. C'est à l'adulte qui sait de faire attention, d'être responsable, de s'empêcher. Un adulte est censé être responsable. Pas l'enfant. C’est à l’agresseur que revient la faute, la responsabilité, pas à sa victime.

Enfant ou adulte, l'innocence est justement une vulnérabilité, une malléabilité qui sert le prédateur, l'agresseur. Je ne suis pas experte de toutes les questions relatives à l'inceste et aux violences sexuelles faites aux mineur-es, mais il me semble que le point commun demeure la vulnérabilité, quelle qu'elle soit : l'innocence sexuelle, la situation financière, un statut de subordonné-e, etc.

C'est par là que l'agresseur enferme, isole sa victime. Pour installer son emprise, il cible sa vulnérabilité, il appuie là où ça fait mal, il le fait par des mots, en s'aidant de sa position de surplomb. Il a du pouvoir, il a une position sociale, il le sait. Il en joue. Finalement, une telle position sociale de pouvoir, c'est à ça que ça sert, notamment. Et, ça sert aussi à sa propre impunité. Dans le monde du cinéma, c'est le talent, l'argent, les totems de l'impunité, les passe-droits pour abuser. Pour la transgression, comme ils disent. Tout un système est d'accord avec cela, permet cela. Il suffit d'étudier les cas de PPDA, Depardieu, Polanski, etc. Mais cela arrive dans tous les milieux professionnels, sociaux, culturels.

Dans la défense de Benoît Jacquot, il y a cette rhétorique classique du prédateur : j'étais sous le charme, j'étais très amoureux, elle était autonome (pour nous faire oublier qu'elle n'avait que 14 ans), elle n'était pas si innocente (il faut lire entre les lignes), j’étais sous son emprise (quelle malhonnêteté, quelle indécence crasse). Cette inversion de la culpabilité, en plus de faire partie d'une stratégie documentée de prédation, sert aussi à montrer la violence masculine comme une fatalité, et non comme une construction sociale, que l'on pourrait déconstruire, changer. Elle sert là aussi à maintenir un système dominant, qui se défend et ne veut pas fléchir.

L'intime est politique

Il ne veut pas fléchir. Toujours pas. Et depuis toujours. Malgré les avancées, qu'est-ce qu'on peut attendre comme réparation, comme réponse de la société aux violences qu'on a subies ? En l'état actuel de la Justice, à laquelle on nous renvoie inlassablement ?

Qu’attendre du système ? Quels choix avons-nous ? Sinon de parler ?

Laissez-moi parler de manière triviale, si vous me le permettez : Benoît Jacquot a 77 ans, qu'est-ce qu'il risque, en l'état actuel de la Justice et de la société ? Bien évidemment, même si mon avis n’a pas lieu d’être et que je n’ai rien à dire de la démarche d’une autre femme, car chacun et chacune fait ce qu’iel peut et veut en la matière pour se reconstruire, je remercie Judith Godrèche pour sa prise de parole et je lui souhaite que sa plainte aboutisse, même s'il y a peut-être prescription. Mais je me dis que Benoît Jacquot risque fort de finir tranquillement sa vie, sans qu’aucun principe de précaution ne l’empêche de continuer à avoir de la visibilité et à sortir des films (encore un nouveau film qui sort en 2024 d’ailleurs), et de mourir un jour, de sa belle mort, après une vie où on l'a laissé faire, où il a pu faire ce qu'il a fait avec la complicité de l'entourage ou plutôt du système tout entier. On l'a même valorisé pour ce qu'il a fait, comme dans ce documentaire de Gérard Miller de 2011.

Quand on connaît cette réalité, cette dure réalité des victimes de violences sexuelles, qui se prennent honte, culpabilisation et silenciation, et qui, au prix de tant d'énergie et d'argent, se reconstruisent avec les moyens du bord fournis par la société, le peu de moyens adaptés, condamnées à gérer leur vécu seules, dans leur coin, à travailler sur elles-mêmes, quand les agresseurs, eux, sont si peu inquiétés, comment ne pas finir, dans un raisonnement plus facile, par percevoir ces violences comme des fatalités, dont il faut espérer qu'on y échappera ou que nos proches y échapperont, avec un peu de chance et de prudence ?

Comment empêcher que beaucoup de personnes pensent qu’il suffit de se comporter d’une certaine manière pour y échapper ? Quand on connaît cette réalité, comment ne pas espérer passer entre les gouttes, que ça ne nous arrive jamais, comme s'il s'agissait d'aléas naturels, de catastrophes naturelles, dont on se dit parfois que, si on se comporte de telle ou telle manière, on y échappera avec un peu de chance. Au point même de répéter de génération en génération la peur du viol dans l'éducation des filles. Si ce n'est pas voir la violence masculine comme un aléa naturel dont se prémunir grâce à certains préceptes comme ne pas sortir tard le soir, ne pas boire d'alcool, ne pas monter chez un garçon, ne pas porter de jupes, etc, qu’est-ce que c’est ?

C'est cette culture du viol, cette culpabilisation des victimes, cette déresponsabilisation des agresseurs et cette atmosphère d'impunité et de minimisation des violences sexuelles, qui mènent à cette perception et ce souci répandu de tout faire pour éviter la violence des hommes, tout en évitant de l’admettre pleinement.

Pourquoi encore tant de gens la nient tout en conseillant à leurs filles, leurs sœurs, leurs nièces, leurs cousines, leurs amies de faire attention, de se protéger. Se protéger de quoi ? Des hommes ? Pourquoi ne pas le dire ? Pourquoi ne pas dire qu'il y a un problème ? Pourquoi ne pas admettre comme fait social la violence (cis) masculine (4) ? Pourquoi rester dans cette dissonance cognitive qu’est le Patriarcat ? Comme le fait de protéger ses filles, mais sans jamais voir ce qui représente un danger pour elles ?

Si finalement on se dit toujours que c'est un peu de notre faute, ce n'est pas seulement parce qu'on vit dans une culture du viol, c'est aussi parce qu'on vit dans cette perception répandue d'une violence masculine fatale, naturelle, et qu'on n'a donc pas réussi à passer entre les gouttes. On s'est pris une mine dans ce champ de mines qu'est notre condition sociale. On n'a pas eu de chance. Shame on us.

La série montre également en filigrane cette perpétuation de génération en génération de la peur du viol : la peur de voir sa fille vivre aussi la condition des femmes : que ce soit la mère ou la fille, le même risque est là, malgré le temps qui passe, l'époque qui change. Judith Godrèche est confrontée à la vue de ce risque pour sa fille, du même danger qu'elle a vécu et qui s'est matérialisé pour elle. En fait, cette série porte aussi en elle le slogan que l'on connaît bien : "l'intime est politique". Oui, ça l'est, quand toute jeune fille, toute jeune femme vit dans sa chair un degré plus ou moins élevé, selon son milieu et sa trajectoire, de violence sexiste ou sexuelle. Le danger du viol, la peur du viol, c'est dans toutes les bouches, c'est plus ou moins dans toute éducation et socialisation des jeunes filles, même si ce n’est pas explicitement dit. Pourquoi ne pas sortir tard le soir ? Pourquoi ne pas trop boire d’alcool ? Pourquoi surveiller son verre en soirée ? Pourquoi ne pas porter de jupes trop courtes ? Pourquoi ?

Il faut le dire. Il faut le regarder en face. Pour montrer justement que c’est un construit social, que c'est systémique. Que ce n’est pas une fatalité.

Quand on dit que l'intime est politique, ce n'est pas seulement parce qu'un phénomène donné relevant de la sphère privée touche une part non négligeable de la société pour devenir un phénomène systémique et un sujet d'intérêt public et donc politique, c'est aussi parce qu'on choisit de ne pas le voir comme une fatalité, un aléa naturel inévitable.

Si l'on sait comment on en est arrivé là, comment c'est socialement et historiquement construit, on peut lutter contre, on peut organiser la réplique, la révolution politique, on peut changer ce qui touche, ce qui a trait à la vie dans la cité, à la vie en société et à ce qu'on veut y considérer comme juste ou non.

Voilà pourquoi on continue d’en parler

Parce que l'intime est politique.

Parce qu'on refuse la fatalité.

Alors il faut en parler.

Comme Sandrine Rousseau.

Comme Adèle Haenel.

Comme Vanessa Springora.

Comme Charlotte Arnould.

Comme Judith Chemla.

Comme Judith Godrèche.

Comme tant d'autres.

Merci d'en parler.

(1) Propos recueillis dans l'article du journal Le Monde du 7 février 2024.

(2) Propos lors de sa participation à l'émission Quotidien du 10 janvier 2024.

(3) Propos recueillis par Sonia Devillers sur France Inter, le 8 février 2024.

(4) Quand je parle de violence masculine, je parle de celle des hommes cisgenres à l’égard des femmes et de toutes les personnes perçues comme femmes ou en dehors de la norme dominante, du groupe social « homme » en tant que modèle véhiculé. Je ne nie pas les violences induites par le Patriarcat dont sont victimes les hommes qui ne sont ni cisgenres, ni hétérosexuels, ni blancs, ni valides, ni neurotypiques, etc.

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