Dès lors que l'on connaît l'origine du terme et sa signification – qui défend l'existence d'un État pour le peuple juif où les juif-ves ont le droit de disposer d'elleux-mêmes et de circuler sans entrave – alors l'insulte "sioniste", utilisée contre des personnes juives, me semble hautement antisémite.
Chercher à comprendre, cela n'empêche en rien non plus de dire qu'il y a des sionistes extrémistes, qui nient le droit du peuple palestinien à disposer de lui-même et sont contre la solution à deux Etats, au nom d'un prétendu droit des juifs sur ces terres. Cela n'empêche pas non plus de comprendre qu'on peut être sioniste et lutter pour les droits du peuple palestinien et contre le gouvernement israélien d'extrême droite et colonialiste. Cela n’empêche pas de comprendre qu'on peut être "sioniste" et dénoncer fermement la Nakba et les conditions dans lesquelles l’État d'Israël a été créé : c'est ce que font depuis des années les Nouveaux historiens israéliens, qui ont remis en cause de nombreux mythes de la propagande officielle – c’est d’ailleurs pour cela que le boycott des universités israéliennes ne me paraît pas toujours justifié, si cela conduit à silencier ou couper les moyens de chercheurs s’opposant à la politique de Netanyahou.
Cela n'empêche pas non plus de comprendre, enfin, que, maintenant que l’État hébreu existe, le but du sionisme a été atteint. Le terme de sioniste ne veut donc plus rien dire et est devenu le terme qui désigne l'idéologie colonialiste et extrémiste de certains israéliens et du Gouvernement : il s'agit du sionisme religieux ou du sionisme nationaliste, qui trahit en réalité l'idéologie des fondateurs du sionisme.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que 20 % des israélien-nes ne sont pas juif-ves : certain-es s'identifient aux palestinien-nes (et c'est normal), certain-es servent dans l'armée. Beaucoup parlent hébreu, même si certaines discriminations persistent. En établissant une équivalence entre "sionistes" "juifs" et "israéliens", on invisibilise ces israélien-nes arabes, musulman-nes, chrétien-nes, druzes, bédouins, etc.
Ainsi, au vu de l'origine du terme, je me demande donc si c'est vraiment pertinent et constructif de l'utiliser comme tel et de l'employer comme insulte.
En effet, lorsque son emploi péjoratif, comme la revendication d'être antisioniste, est dirigé de plus en plus souvent contre des personnes juives, cela peut être compris comme la critique et le mépris du fait de défendre l'existence même de l'Etat d'Israël et par conséquent, être vécu comme une remise en cause de cette existence, et c'est là que c'est antisémite. Si ce terme est employé pour remettre en cause le droit des juif-ves à disposer d'elleux-mêmes, c'est inacceptable et antisémite.
Certes, l'antisionisme ne doit pas être confondu avec l'antisémitisme. Pour autant, à la lumière de ce qui précède, si cela revient à souhaiter la disparition, l'effacement de l’État d'Israël pour le peuple juif, ça l'est. Si ce terme désigne, au contraire, la politique d'extrême droite et colonialiste du Gouvernement israélien, ça n'est pas le cas, même si cela revient, indirectement, à valider le mensonge consistant, pour ce Gouvernement, à se dire "sioniste".
La défense des droits du peuple palestinien, de son droit de disposer de lui-même, ne justifie pas de nier celui d'un autre peuple. La lutte pour faire cesser le génocide des palestinien-nes et contre le Gouvernement israélien d'extrême droite et colonialiste ne nous dispense pas de nous informer sur les spécificités du "conflit" et de nous garder d'attiser un racisme au nom de la lutte contre un autre. C'est la même éthique et le même raisonnement à adopter pour la lutte contre l'islamophobie.