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Billet de blog 15 juin 2022

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Le Gouvernement se fait pourtant déjà juge, madame la Première ministre

La première ministre, Mme Elisabeth Borne, n'est pas « juge », dit-elle, lors d’un échange avec une riveraine, ce mercredi 15 juin 2022, l'interrogeant sur les nouvelles accusations visant M. Damien Abad, ministre des solidarités.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La Première ministre, Mme Elisabeth Borne, n'est pas « juge », dit-elle, lors d'un déplacement dans le Calvados, à une riveraine, ce mercredi 15 juin 2022, l'interrogeant sur les accusations visant M. Darmanin, maintenu ministre de l'Intérieur, et M. Damien Abad, nouveau ministre des Solidarités.

M. Macron, le président de la République, accuse implicitement une lycéenne, qui lui pose la question de la nomination de personnes ministres accusés de violences sexuelles, de remettre en cause le principe juridique fondamental de la présomption d’innocence.

Le Gouvernement se fait déjà juge. En ignorant systématiquement la parole des femmes. En la discréditant. En ne prenant en compte que celle des hommes accusés.

Le jugement a déjà été rendu.

M. Macron a eu une discussion « d’homme à homme » avec M. Darmanin, ministre de l’intérieur, et il a maintenu celui-ci à son poste. Pour rappel, ce dernier a reconnu les faits mais contesté leur qualification de viol.

M. Macron et M. Edouard Philippe, premier ministre à l’époque, ont adressé tout leur soutien à leur ministre de l’écologie, Nicolas Hulot, lui aussi accusé de viol, et estimé qu’il n’y avait « pas d’affaire ».

Malgré un signalement pour violences sexuelles auprès de LREM, M. Damien Abad est nommé dans le nouveau Gouvernement suite aux élections présidentielles de mai 2022.

Mme Elisabeth Borne laisse le soin aux femmes de saisir la Justice, dit-elle également. Une Justice encore défaillante, sur ces questions, manquant de moyens, de formations sur le sujet et traversée, comme toute la société, de préjugés, elle aussi.

Mais, admettons, saisissons la Justice.

Stanislas Guérini, ministre et candidat aux législatives, a considéré, sur une chaine de télévision, que Jérôme Peyrat, un autre candidat investi par la République En Marche aux législatives, condamné par cette même Justice pour violences conjugales, était un « homme honnête », incapable de violences. Il laisse même les électeurs se faire juges.

Accusés ou condamnés, les hommes politiques sont crus tout de suite.

Autant de signaux, forts ou faibles, pour nous dire que le Gouvernement a déjà rendu son jugement. Il a déjà fait primer une parole sur l’autre, toujours la même, nonobstant les témoignages et faits rapportés et vérifiés.

Le Gouvernement et une partie de la classe politique nous font croire qu’une démission équivaudrait à une remise en cause du principe de la présomption d’innocence.

Je ne savais pas que le Gouvernement était une cour de justice compétente pour estimer si une personne est innocente ou coupable, avant même qu’une vraie juridiction ne se prononce.

Par contre, ce que je sais c’est que le principe de présomption d’innocence, garanti par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dispose qu'un individu, même suspecté de la commission d'une infraction, « est présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable » par la Justice.

Pour autant, la présomption d’innocence appartient au monde pénal. Aux yeux de la Justice, l’individu soupçonné est présumé innocent tant qu’il n’a pas été déclaré coupable par un tribunal et il pèse sur l’accusation, à savoir le Procureur, la charge d’apporter la preuve de sa culpabilité.

En revanche, dans le monde politique, l’épouvantail de la présomption d’innocence sert la classe politique à déresponsabiliser les hommes accusés de violences sexuelles et à nier la parole des victimes présumées.

Or, il n’est pas incompatible avec le principe de la présomption d’innocence d’appliquer en politique un « principe de présomption de crédibilité des victimes », estime Marilyn Baldeck, juriste et déléguée générale de l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT). Elle ajoute que « dans le monde non-pénal, [le comportement de Gérald Darmanin, en l’occurrence] peut être évalué à l’aune d’autres critères, qui sont des critères de moralité publique, d’exemplarité publique ou de droit civil ».

En critiquant la nomination de personnes accusés de violences sexuelles, l’on ne remet pas en cause un principe juridique, mais une décision politique, contraire à l’éthique qui devrait primer.

Or, le Gouvernement contourne la question et détourne l’attention sur le principe fondamental de la présomption d’innocence qui n’est pas le sujet.

Le sujet est celui de l’exemplarité de la classe politique, de nos représentants politiques, celui de l’éthique politique et celui de la confiance du peuple en ses élites politiques et ses institutions.

S’il détourne l’attention, en nous accusant d’être contre un principe fondamental de l’état de droit, il nie pourtant la volonté d’un peuple, dans le cadre d’une démocratie, de remettre en question une éthique qui ne lui correspond pas et de bénéficier de représentants en qui il a confiance et avec qui il partage les mêmes valeurs.

C’est donc aussi une question d’acceptabilité sociale. S’il est nommé au sommet de l’Etat, d’une assemblée parlementaire, d’une collectivité publique, nationale ou locale, etc. des personnes accusées de violences sexistes et sexuelles ou condamnées pour cela, la classe politique envoie le signal qu’il considère comme suffisamment exemplaires, éthiques et compétentes pour exercer des fonctions politiques et publiques à hautes responsabilités, des personnes même accusées ou condamnées pour violence sexistes et sexuelles. Elle renvoie alors comme signal que le respect des femmes et de leur intégrité ne fait pas partie de leurs valeurs ni de leurs critères d’exemplarité pour nommer telle ou telle personne à la tête de l’Etat et des institutions. Elle renvoie alors comme signal que la société qu’elle représente et qu’elle défend, doit accepter que des hommes, dont on attend une exemplarité encore plus grande que ce qu’on devrait attendre aussi de tout individu, aient pu humilier, harceler, agresser, violer, violenter des femmes. Même seulement accusés, le plus petit doute qui plane devrait écorcher l’exemplarité que l’on attend d’hommes à de telles positions, en termes d’apparences et de signal politique.

Cette absence d’éthique politique et de principe de précaution de la part de la classe politique participe de l’impunité des hommes politiques mis en cause. Oui, de l'impunité, il y en a déjà, Madame la Première ministre. A l'aide d'une telle présomption d'innocence qui dépasse le monde pénal et aveugle tout le monde, cela conduit à ce que ces hommes, dans leur sentiment de toute-puissance, à l'image de celui de M. Damien Abad, aient la possibilité _ et surtout le sentiment de le pouvoir _ d’utiliser leurs fonctions, leur position, leur immunité, leur pouvoir pour contourner le consentement des femmes, pour leur imposer leur volonté, pour les violenter.

Non, M. Macron, la question de Laura, lycéenne à Gaillac dans le Tarn, n’est pas antidémocratique et ne remet pas en cause le principe de la présomption d’innocence.

Non, les revendications féministes ne sont pas antidémocratiques et ne veulent pas remettre en cause l’état de droit, elles veulent au contraire que la démocratie et l’état de droit soient appliqués avec les femmes et que la classe politique respecte la démocratie et l’état de droit, en ne faisant primer aucune parole, l’une sur l’autre, en appliquant un principe de précaution au nom de l’éthique et l’exemplarité strictes qui s’imposent à tout responsable politique, en entendant les revendications des citoyen-nes et en donnant à la Justice les moyens indispensables à la lutte contre les violences faites aux femmes.

Quelques sources : https://www.francetvinfo.fr/politique/jean-castex/gouvernement-de-jean-castex/presomption-d-innocence-contre-principe-de-precaution-pourquoi-la-nomination-de-gerald-darmanin-au-ministere-de-l-interieur-divise-t-elle-autant_4045105.html

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