
Les toits de Delphes au premier plan, les montagnes du Péloponnèse à l'horizon, la mer d'oliviers, incommensurable, jusqu'au golfe de Corinthe.
À pied, nous irons par le chemin vieux de quatre mille ans. Celui qu’empruntaient déjà les pèlerins qui se rendaient du port de Cirrha au sanctuaire de Python, avant qu'il ne soit Delphes. Onze kilomètres de descente en passant par le plateau de Chrisso. Éperon dominant la mer d'oliviers, qui s'étend aux profondeurs de deux gorges fendues par l'étrave du promontoire, sur lequel paissent les vaches limousines de Yorgos.
Nous échangeons un moment. Son rêve : aller à Limoges découvrir le pays de ses vaches.
C'est ce berger, qui passe ici les quatre mois d'hiver et le reste de l'année sur les pâturages du Parnasse, qui nous conte l'histoire du lieu. Sous les pieds de ses bovidés, qui broutent une herbe grasse parsemée de petites fleurs jaunes, s’étendait l'acropole de Krissa, l'une des plus anciennes cité-état de la Grèce antique, dont subsisteraient encore aujourd'hui quelques ruines. Tout juste la chapelle byzantine Saint-Georges perpétue-t-elle encore aujourd'hui le caractère spirituel du lieu. À nos pieds, la forêt d'oliviers, avec plus de trois mille ans d'existence, serait la plus ancienne de Grèce et l'une des plus vieilles de la planète. Et c'est au port de Cirrha (actuelle Kirra) qu'aurait été construit le contingent de quarante vaisseaux de la colonie phocidienne ayant participé à la guerre de Troie.
Nous laissons en ce haut lieu d'histoire notre berger comblé à sa plénitude, pour descendre du plateau et nous enfoncer dans l’oliveraie. Quel âge peuvent bien avoir ces troncs tortueux ? Mille ans ? Pas improbable pour certains. Plusieurs centaines d'années sans aucun doute.
Mystère de la résurrection végétale, de certaines souches flétries où abattues, au diamètre impressionnant, surgissent de jeunes pousses vigoureuses.
Et pourtant, restera à jamais
l'unique voyage de ces fossiles vivants,
la chute libre et initiatique de l'olive.
De la branche au sol.
Enracinés,
là,
ils ont trouvé leur terreau,
leur place sur cette terre,
juste,
quasi éternels.
Puisse Yorgos ne jamais voir Limoges !
Sur la grève de Kirra, dans sa partie orientale, les vents de l'hiver ont amoncelé bois, plastiques et détritus divers. Cabanons et maisonnées très simples bordent encore la grève.