Le centième usage de l'article 49-3 de la Constitution marque probablement le début de la fin de la Vème République.
Nous sommes le 28 septembre 1958 et Charles de Gaulle fait voter, par la voie du référendum (qui a tout l'air d'un chantage), la Constitution de la Cinquième République. Cela marque la fin de la démocratie parlementaire et l'arrivée en France d'un nouveau régime : le régime présidentiel.
Une République vraiment républicaine ?
Si l'on regarde de plus près, cette "République" rompt paradoxalement avec une grande partie des idéaux républicains : la séparation des pouvoirs, la souveraineté nationale et le parlementarisme.
En effet, la séparation des pouvoirs suppose que le pouvoir exécutif n'ait, logiquement, aucun droit de contrôle total de l'Assemblée Nationale. Or, le système fait en sorte que le président de la République y ait une majorité absolue. Cela signifie que le pouvoir exécutif possède, en théorie, le pouvoir législatif qui ne fait qu'obéir aux injonctions d'un monarque. Et le fait que le pouvoir médiatique présente, majoritairement, comme un immense problème l'absence de majorité absolue pour l'exécutif lors de la XVIème législature, prouve comment l'esprit anti-démocratique de la cinquième a imprégné les esprits.
La souveraineté nationale n'est également pas respectée quand on regarde le système électoral et nos institutions. D'abord, les élections présidentielles poussent les partis à mettre en avant un.e chef.fe providentiel.le qui serait le détenteur de la volonté du peuple. Or, le système des deux tours fait que les présidents de la République n'ont, pour la plupart, jamais dépassé la barre du quart des inscrits au premier tour des élections. C'est également le cas pour les élections législatives qui sont une espèce de troisième tour des élections présidentielles dans chaque circonscription dans le but de donner une majorité de sièges à l'Assemblée nationale au parti présidentiel. Pourtant, nous savons très bien que si l'élection législative devait avoir lieu par listes à la proportionnelle, le parti présidentiel serait loin de la majorité des sièges. Ainsi, la souveraineté nationale n'est pas réellement représentée symboliquement par les députés. Mais n'oublions pas le Sénat. Celui-ci a un pouvoir quasiment similaire à celui de l'Assemblée Nationale alors que les sénateurs sont élus au suffrage indirect par des grands électeurs qui n'ont pas été élus en vue des élections sénatoriales. Dans quelle démocratie voyons-nous cela ? Un parti qui a fait moins de 5% des voix lors de l'élection présidentielle de 2022 (LR), possède une majorité absolue des sièges au Sénat. Comment pouvons-nous trouver cela acceptable ? Surtout lorsque le gouvernement le prend en exemple pour faire passer sa réforme des retraites rejetée par 93% des actifs. La souveraineté du peuple, socle de base de la démocratie, n'est en rien respectée.
Enfin, comment pouvons-nous actuellement parler de parlementarisme au sein de la Cinquième République alors que cette dernière le musèle ? Notre régime, à l'heure actuelle, ne propose aucun moyen de révoquer un élu. Pourtant cela fait partie des droits humains.
Mais l'usage qui est fait du pouvoir interroge tout autant. L'utilisation abusive du 49-3 pour ne pas avoir à faire face au Parlement, représentant du peuple, marque la fin de toute lueur de démocratie parlementaire au sein de la Cinquième République. Cela devrait tous nous interroger et nous obliger à changer de Constitution, donc de République. Retrouver l'esprit qu'ont porté nos précédentes Républiques (bien qu'elles aient de nombreux défauts).
Mais à quoi ressemblerait un nouveau régime ?
Certains préconisent une Sixième République depuis des années, c'est le cas de La France Insoumise et d'une partie des élus et militants EELV. Celle-ci serait inspirée des Républiques qui ont précédé l'actuelle, principalement la troisième qui a duré près d'un siècle. D'autres, plus idéalistes mais pas moins intéressants, clament un régime inspiré des Communes de Paris, d'inspiration libertaire, prônant la démocratie directe. Quoi qu'il en soit, il est urgent de réfléchir à un système tous ensemble pour retrouver, enfin, une démocratie réelle. Car, en effet, la démocratie et la République ne sont pas que des mots, ce sont des idéaux que l'on peut atteindre si l'on se bat sur tous les plans en leur faveur.
Finalement, il est urgent de s'inquiéter quand on voit que la Cinquième République est une machine à générer des passions autour d'une figure et ainsi amener le fascisme au pouvoir. Comment ne pas le remarquer quand on voit que le Front National de Marine le Pen vante les mérites de ce régime ?
Citoyen.nes, faites-vous entendre !