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Billet de blog 3 février 2017

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Madame X, ou l'électeur tartuffié (billet fictif)

Cléante : Je ne suis point, mon frère, un docteur révéré, Et le savoir, chez moi, n'est pas tout retiré. Mais en un mot je sais, pour toute ma science, Du faux, avec le vrai, faire la différence.

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Qui est Madame X ? Jusqu’à ces dernières semaines, comme la plupart des Français, je n’en avais absolument rien à foutre. Certes, il y a de nombreuses années déjà, je m’étais interrogé sur la nature du bonheur familial de ce couple mixte, sartho-gallois, quand il avait innocemment rempli plusieurs pages de Paris-Match, la plus importante archive de note temps. Belle image de l’ouverture d’esprit de certains de nos hommes, téméraires assez pour aller chercher femme bien en dehors de nos terres de France. Je me suis vaguement interrogé au passage sur ce désir de vouloir se faire châtelain. La plus belle expression de notre romantisme national, qui pousse nos hommes à offrir à leur belle le plus bel écrin, me disais-je. Je ne voyais pas ce qu’il pouvait y avoir d’autre dans ce besoin, pour un notable de province, un élu qui plus est, qui n’a jamais fait autre chose que de vivre pour et par un parti politique (et qui a aussi été, et cela je ne devrais pas l’oublier, l’assistant d’un président de la République dont personne ne se souvient déjà plus).

Mais revenons en à Madame X (je recycle pour l’occasion cette expression qu’un des candidats malheureux à la primaire de la gauche partielle utilisait pour parler de Macron). Madame X. Madame X aux beaux yeux d’un bleu triste. Quelle belle discrétion ! Sans doute passe-t-elle ses journées dans son parc, à lire les sœurs Brontë, ou quelque autre roman gothique dont seuls les insulaires ont le secret. Je l’imaginais dans une grande cuisine parlant anglais à ses enfants et français à son mari, tous venus réclamer, après une ballade à cheval, une portions d’un plum pudding revigorant. Je sais, tout cela est très cliché, mais ça m’amuse. Je me dis que les chemins de la fiction nous conduisent peut-être plus prés du vrai que toute la « réalité alternative ». « C’est en projetant une expérience dans l’imaginaire qu’on en dégage le plus évidemment la signification », écrit Simone de Beauvoir dans la Force des choses.

Je ne suis pas la justice et je n’ai pas la prétention d’avoir un accès privilégié au vrai. C’est un peu comme si ce billet n’était qu’un billet fictif. Je ne juge ni ne condamne mais je ne peux pas nier que quelque chose me trouble, parfois me révolte. Quand bien même madame X aurait effectivement travaillé pour son mari, comment pourra-t-il nous convaincre qu’elle n’a pas été surpayée ? Comment lui, qui n’a jamais vécu que de l’argent public, peut-il vouloir mettre la France entière au régime sec ? Jouer le mari courageux qui défendra sa femme jusqu’au bout alors que c’est lui que tout accuse ! (Il n’est pas impossible qu’elle ne se doutait même pas qu’elle était si bien payée pour faire des gâteaux). Cette éloge de la probité qui fait le fond de sa parole publique, tout cela ne serait que mensonge ? Nous n’aurions donc affaire à rien d’autre qu’un hypocrite dévot ? « Ah ! Pour être élu, je n’en suis pas moins homme ! »

Réponse de Cléante :

Je ne suis point, mon frère, un docteur révéré,

Et le savoir, chez moi, n'est pas tout retiré.

Mais en un mot je sais, pour toute ma science,

Du faux, avec le vrai, faire la différence :

Et comme je ne vois nul genre de héros

Qui soient plus à priser que les parfaits dévots ;

Aucune chose au monde, et plus noble, et plus belle,

Que la sainte ferveur d'un véritable zèle ;

Aussi ne vois-je rien qui soit plus odieux,

Que le dehors plâtré d'un zèle spécieux;

Que ces francs charlatans, que ces dévots de place

De qui la sacrilège et trompeuse grimace

Abuse impunément, et se joue à leur gré,

De ce qu'ont les mortels de plus saint, et sacré.

Ces gens, qui par une âme à l'intérêt soumise,

Font de dévotion métier et marchandise,

Et veulent acheter crédit, et dignités,

À prix de faux clins d'yeux, et d'élans affectés.

Ces gens, dis-je, qu'on voit d'une ardeur non commune,

Par le chemin du Ciel courir à leur fortune;

Qui brûlants, et priants, demandent chaque jour,

Et prêchent la retraite au milieu de la cour:

Qui savent ajuster leur zèle avec leurs vices,

Sont prompts, vindicatifs, sans foi, pleins d'artifices,

Et pour perdre quelqu'un, couvrent insolemment,

De l'intérêt du Ciel, leur fier ressentiment ;

D'autant plus dangereux dans leur âpre colère,

Qu'ils prennent contre nous des armes qu'on révère,

Et que leur passion dont on leur sait bon gré,

Veut nous assassiner avec un fer sacré. 

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