Ne cherchez plus. Le responsable du naufrage du socialisme, c'est moi.
N'accusez ni Valls, ni Hollande, ni Macron. Je suis, moi, coupable.
Je me souviens de la première élection de François Mitterand, en mai 1981. Je ne votais pas encore mais il était mon élu. Je me souviens de son visage apparu soudain sur le poste de télévision autour duquel ma famille et moi étions rassemblés. Le cri d'effroi de mes parents, l'indifférence de mes frères et soeurs et mon sourire tout intérieur. "Oui, je suis socialiste", devais-je sans doute penser.
Le droit de vote acquis, j'ai presque toujours voté socialiste, quelques écarts de jeunesse mis à part. Je croyais en une différence entre la droite et la gauche, je croyais en une union des gauches pour apporter au plus grand nombre, que dis-je, pour apporter à tous les plus grand bonheur possible. N'étais-je pas heureux moi-même, petit enfant blanc de la vraie classe moyenne? Je ne doutais pas qu'en votant socialiste, où ça n'allait pas encore, ça irait mieux. Ah, ça irait, ça irait! La marche des beurs, Rachid Taha chantant "Douce France"... Vous rendez-vous compte à quel point cela est devenu impossible aujourd'hui?
Après de nombreuses années de socialisme, les choses ne vont pas mieux. Pour beaucoup, c'est même encore pire.
Comment exprimer ma colère, ma fureur, d'avoir été à ce point berné avec eux! Toutes ces années passées à profiter de mon petit confort sans rien faire de concret pour essayer de le partager. J'avais bu à la mamelle républicaine le lait civique : votons, votons, c'est notre devoir. Je me rends compte aujourd'hui combien en votant j'ai abdiqué. Trahison. Le socialisme a depuis si longtemps abandonné la classe populaire ; mais n'étions-nous pas contents, ou plutôt satisfaits, nous, qui profitions si pleinement de toutes les réformes "sociétales"? N'avions-nous pas, nous, la mondialisation heureuse?
Le responsable du naufrage du socialisme, c'est donc moi, parce que j'ai cru à l'illision socialiste, et parce que j'ai contribué à chaque élection à la consolidation de sa rente. Et avec moi, tous ceux qui se sont contentés de voter socialiste et de jouir très égoïstement de ce qu'eux, ils avaient acquis ou plutôt de ce qu'on avait acquis pour eux.
Nous avons trop longtemps entretenu cet inutile appareil. Le socialisme se meurt, le socialisme est mort, il faut les enterrer.