Le bout du chemin...

La vie,  avec ses projets à long terme,  est derrière moi. Maintenant chaque jour qui se lève est un jour de "rab", un jour cadeau dont j'essaie de profiter au maximum, dès le matin, en dégustant mon café, assise dans la petite véranda ou le jardin. Troglodyte, rouge-gorge, tourterelle, merle, se baladent tranquillement à la recherche de nourriture dans l'herbe ou parmi les fleurs.
Le soleil dore la cime du cyprès, des pins, des deux mimosas et de trois autres espèces venues s'installer sans mon accord et dont j'ignore le nom. Ils sont beaux, cela me suffit.
Je ne suis pas seule. Les silhouettes de tous ceux qui ont vécu et travaillé dans ce grand jardin  surgissent furtivement dans ma mémoire, affectueux clin d'oeil. Souvenirs aussi des trois camps d'ados, inoubliables par leurs chahuts et leurs rires.
Le soleil, qui a dépassé l'arrière de la maison, abandonnant provisoirement le verger, me signale que la Vie est là maintenant. La musique archi-connue de l'Alleluia de Haendel me trotte dans la tête. Depuis bientôt six ans je ne bouge plus, mais je sais que j'ai beaucoup de chance.
Ce jardin a un autre mystère. Ses hauts murs de pierres sèches semblent arrêter le brouhaha extérieur. Le calme y règne. Les plus survoltés s'apaisent... Je sais que je dois me taire... Ils ne m'entendent pas... Le jardin fait son numéro de charme... On s'y sent à l'abri. Les pierres bruissent des confidences, petites phrases lâchées involontairement dont elles gardent le secret.
Se taire... laisser l'invisible s'exprimer. Les pierres en ont tant vu de souffrances et de joies en trois siècles, entendu tant de prières, de révoltes qu'elles ont su apaiser... Murmure de la brise sur le brin d'herbe...Ecouter...