
Tu n'étais pas dupe de ce jeu du maître et de l'esclave. Ta prison de chair était tellement plus contraignante que la nôtre, tellement plus douloureuse, malgré l'affection des tiens, malgré les bras de Aldo. Certains soirs, j’aurais juré que quelque chose qui tenait de la grâce jaillissait sous tes doigts et volait plus haut que nos illusions de liberté. Mais, les notes se sont évanouies, les tiennes comme celles des autres, les mots, les voix, les couleurs et les formes ; ce qui reste d'une œuvre tient en un peu de poussière, il faut juste un peu de temps. Tu savais que seul compte le mouvement, la parole soudaine, la sincérité de l'instant, celui qui, parfois, vous met face à la substance même du monde et son corollaire merveilleux : l'absence de Dieu, la non-compromission absolue de l'esprit avec le monde, « l'esprit ne parle qu'à l'esprit, il ne communique rien, il se reconnaît en sa propre unité. »
Non, tu n'étais pas dupe de ce jeu. Aussi, lorsqu'il arrive que la charge soit trop lourde à porter, succombons s'il le faut, mais sourions, comme tu le faisais, avec une ironie entendue quand passe le Maître de ce monde.
And good « promenade with Duke », Michel.