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Billet de blog 11 janvier 2015

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Salut les gars

Salut les gars, ça fait bizarre de m'adresser à des morts surtout que je sais que vous n'êtes plus, ni ici ni ailleurs. Mais bon. Tu verras, demain on sera nombreux, même si sous les pavés c'est plus la plage, seulement la merde, l’exclusion et l'intolérance, tu verras,

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Salut les gars, ça fait bizarre de m'adresser à des morts surtout que je sais que vous n'êtes plus, ni ici ni ailleurs. Mais bon. Tu verras, demain on sera nombreux, même si sous les pavés c'est plus la plage, seulement la merde, l’exclusion et l'intolérance, tu verras, demain, on pourra penser, avec tous nos potes, que pourquoi pas, on ne les laissera plus capturer le pouvoir comme ils l'ont fait. On ne laissera plus Charlie, puisque c'est sûr, il continuera à exister, marcher seul, et défendre becs et ongles nos valeurs alors que nous, dans notre quotidien nous l'oublions. Nous errons comme des fantômes, nous faisons semblant d’adhérer aux valeurs entrepreneuriales ou de service publics, il n'y a plus guère de différence en cette période d'austérité, nous essayons seulement de continuer à vivre et nous détournons les yeux lorsque nous croisons des SDF, et nous filons vite fait poursuivre notre travail lorsqu'un collègue craque et on finit par penser qu’il nous tient la jambe et que nous allons être en retard après tout.

Nous désertons, nous faisons l'autruche, et à force de nous taire nous ne savons même plus qui pense comme nous, puisque tous les espaces de parole ont été désertés. Il ne reste plus que des bars où l'on se murge, des discothèques où l'on danse avec de la musique qui pète les oreilles, on se détourne de la politique car les politiciens nous font vomir mais après tout, nous leur avons laissé le champ libre. S'ils agissent, c'est parce que nous n'avons laissé que Charlie comme dernier rempart. Et aujourd'hui, ce dernier rempart est à terre.

Alors nous avons dans nos mains tout ce qu'il faut pour le reconstruire, pour qu’il y ait le ciment entre toutes les pierres du mur immense que nous formons, nous tous habitants de France, et pas seulement les Français de nationalité, quelque soient nos différence.

Après le 11 septembre 2001, nous pensions tous « plus jamais ça » mais la société Française a continué à se déliter, comme après tous les attentats ailleurs qui ont suivi, je n'en ferai pas la liste. Alors, maintenant nous savons que nous ne pouvons plus nous contenter de dire, écrire, penser, « plus jamais ça », mais que qu'il faudra nous retrousser sérieusement les manches pour reconstruire ce mur ensemble, malgré toutes nos différences, pour mettre au cœur ce qui fait sens commun, et que le slogan qui résonne dans le monde « Je suis Charlie » ne reste pas qu'un slogan vain, et sans plus de signification que la dernière pub à la mode.

Il nous faut ouvrir à nouveau la porte des partis, des organisations syndicales pour y faire porter notre voix. Puisque ceux qui existent ne nous plaisent pas, ou ont un passé trop collabo, alors nous en créerons de nouveaux. Mais nous ne pouvons plus jouer la carte de la chaise vide, car alors c'est la cataclysme qui nous attend à coup sûr.

Adieu les gars,

demain nous marcherons dans la rue et il y aura tous ces gens que nous ne connaissons pas, et tous nos amis aussi, ici ou ailleurs, il y aura toutes ces larmes qui couleront de nos yeux, tous ces souvenirs de déconnades aussi qui passeront dans nos têtes avec vos dessins qui resurgiront, vos coups de gueule ou d'éclats, alors le rire jaillira et les larmes encore plus, parce que votre départ nous peinera à nouveau encore plus, et il y aura tous ces gens pour nous taper sur l'épaule, baisser la tête ou ouvrir les bras alors on se sentira ensemble et on sentira qu'effectivement, au moins vous nous aurez réuni. Tu sais, l'autre jour au boulot, on était tous très tristes et en plus, on devait se réunir pour une minute pour penser à vous. Et j'étais content de partager ça avec mes collègues, avec qui d'ordinaire je ne partage pas forcément grand chose mais je me sentais beaucoup moins seul. Cela m'a réchauffé le cœur et a même un peu adoucit ma peine Alors demain je suis sûr que, quelque part, comme pour l'enterrement d'un ami nous serons tristes mais aussi un peu heureux de voir toutes ces figures des gens qu'on aime. Et alors la peine s'allégera et nous pourrons peut-être, commencer déjà à passer à autre chose, parce que désormais, il est urgent de lutter, et de s'y mettre concrètement, à faire vivre Charlie et continuer son combat, et pas seulement s'afficher un slogan autour du cou. Être Charlie, c'est se battre pour leurs valeurs,les nôtres, qui sont aussi simple que ces 3 mots : liberté, égalité, fraternité.

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