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Billet de blog 3 septembre 2025

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Les cicatrices invisibles de la précarité : quand la pauvreté abîme la santé mentale

On parle souvent de la précarité économique en chiffres. Taux de chômage, inflation, pauvreté des ménages : autant d’indicateurs qui nourrissent les discours politiques et médiatiques. Mais derrière ces statistiques se cachent des vies traversées par une autre réalité, moins visible et pourtant ravageuse : l’impact psychologique et émotionnel de la pauvreté.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

À travers les témoignages recueillis dans un questionnaire, un constat s’impose : la précarité n’est pas seulement une question de revenus. Elle pèse sur la dignité, la santé mentale, les relations sociales et le rapport à soi-même. Elle laisse des cicatrices profondes, fréquemment invisibles, parfois irréversibles.

Quand la précarité s’installe dès l’enfance

Pour beaucoup, la précarité ne commence pas à l’âge adulte mais bien plus tôt. Dès l’enfance ou l’adolescence, les fractures apparaissent. Divorce des parents, monoparentalité, absence de ressources : « J’ai vécu la précarité de 0 à 14 ans », confie une répondante. Une autre raconte que tout a commencé « après le lycée à 18 ans », faute de bourses et d’aides suffisantes.

Parfois, la pauvreté s’inscrit même dès la naissance, comme une fatalité héritée : « Mes parents ne s’étaient pas assez éduqués pour pouvoir avoir un bon travail », témoigne Leo. Ces récits montrent que la précarité n’est pas toujours un accident ponctuel : elle est souvent structurelle, transmise, enracinée dans les trajectoires familiales.

La honte, l’isolement et la souffrance psychique

Tous décrivent des cicatrices invisibles : la dépression, l’anxiété, la perte de confiance. Une répondante parle d’une « dépression lourde » ; une autre raconte un isolement profond parce qu’elle ne pouvait pas partager de moments avec ses amis.

Au cœur de ces expériences revient la honte. Honte de manquer, honte d’être différent·e, honte d’exister dans un monde où l’argent détermine la valeur. « En CM2, je suis partie vivre avec mon père pour une vie plus stable. Je me souviens encore des regards de mes camarades », confie une participante. Cette honte s’accompagne souvent d’un sentiment d’injustice, comme une double peine : être pauvre, et devoir se sentir coupable de l’être.

Des vies entravées : projets sacrifiés et renoncements

La précarité enferme dans le présent et empêche de se projeter dans l’avenir. Les témoignages parlent de soins annulés, d’études interrompues, de projets abandonnés.
 « J’ai dû renoncer à l’hygiène dentaire parce que ça coûte trop cher », explique un répondant. Une autre ajoute : « Le psy, putain. J’ai toujours dû remettre à plus tard ».
Au-delà des soins, c’est la vie quotidienne qui est fragilisée : l’alimentation, le logement, les vacances, jusqu’à l’électricité. Une participante raconte avoir connu la rue, « l’école de la vie la plus dure mais aussi la plus formatrice ».

Survivre malgré tout : ressources et solitude

Face à cette violence sociale, certain·es trouvent des refuges : la communauté punk, les collectifs, la philosophie, les études. Ces espaces deviennent des appuis pour résister. Mais d’autres témoignages sont plus amers : « Absolument personne, j’étais très isolée ».

L’accès au soutien dépend beaucoup des territoires et des réseaux. Là où les associations peuvent jouer un rôle en ville, la ruralité laisse souvent les individus seuls face à leurs difficultés. La précarité n’est pas qu’un manque de moyens : c’est aussi un isolement social.

Le rôle ambigu, parfois hostile, des institutions


À travers les témoignages recueillis dans ce questionnaire, un constat s’impose : la précarité n’est pas seulement une question de revenus. Elle pèse sur la dignité, la santé mentale, les relations sociales et le rapport à soi-même. Elle laisse des cicatrices profondes, fréquemment invisibles, parfois irréversibles.

La grande majorité décrit un sentiment d’abandon institutionnel. « Aucun soutien des institutions, mise en difficulté permanente », résume Spatzy. Pour d’autres, les démarches administratives sont si complexes qu’elles deviennent elles-mêmes une source de souffrance : « Faîtes des cours pour demander des aides, c’est incompréhensible », ironise une étudiante.

Un seul témoignage fait exception : « Oui, j’ai eu des aides alors que je n’en attendais pas ». Mais il reste marginal face au sentiment dominant de mépris et de découragement.

De la douleur à la colère politique

Pour celles et ceux qui ont répondu, la précarité n’est pas seulement un vécu individuel : elle est aussi une construction sociale et politique. Les messages laissés aux autres en témoignent : « Ne pas culpabiliser, se politiser, trouver de la force dans la lutte ».

Et aux responsables politiques ? Les mots sont durs : « Que leur mépris de classe est une insulte à l’humanité », « Vous devriez avoir honte », « Ils défendent leur pouvoir et nous laissent crever ». Une colère froide, nourrie par l’expérience, qui refuse de se taire.

Conclusion

Les récits recueillis disent la même chose, chacun à sa manière : la précarité détruit bien plus que des budgets. Elle fragilise les corps, abîme les esprits, isole les individus et enferme dans la honte. Elle laisse des cicatrices invisibles qui marquent longtemps après.

Et si ces voix ont une force, c’est parce qu’elles rappellent une vérité simple : la pauvreté n’est pas une fatalité individuelle, mais un choix collectif. Ce ne sont pas celles et ceux qui la subissent qui doivent avoir honte, mais celles et ceux qui l’organisent.

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