Dans un moment où la gauche cherche son souffle, le livre publié par les Éditions Amsterdam et l’Institut La Boétie dessine un horizon : celui d’une révolution citoyenne qui prend racine dans nos territoires, tout en gardant pour boussole la reconstruction d’une République sociale à l’échelle du pays tout entier.
La commune, dernier bastion du politique
La France compte plus de 34 000 communes. Autant de lieux où la politique pourrait redevenir une affaire de citoyennes et de citoyens, et non de gestion technocratique.
Les auteurs rappellent que les grandes avancées sociales — des bibliothèques municipales aux centres de santé, des logements sociaux aux cantines populaires — ont d’abord germé dans les communes. C’est là, au plus près des habitant·es, que la République sociale s’est incarnée.
Mais aujourd’hui, ces espaces s’éteignent peu à peu. L’austérité budgétaire, la décentralisation néolibérale et la professionnalisation de la politique ont vidé les mairies de leur souffle démocratique.
Le livre part d’un constat simple : sans communes vivantes, la démocratie s’étiole.
> « Que peuvent les communes ? Et quel rôle peuvent-elles jouer dans la révolution citoyenne ? »
Cette question guide tout l’ouvrage. Les auteurs ne se contentent pas d’un plaidoyer nostalgique : ils posent les bases d’un nouveau communalisme, capable de relier écologie, démocratie et émancipation sociale — à condition d’articuler le local au national.
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Redonner souffle à la démocratie locale
L’enjeu du nouveau communalisme n’est pas seulement de redonner du pouvoir aux maires. Il s’agit de redonner du pouvoir aux habitants.
Les communes doivent devenir des laboratoires de démocratie vivante : assemblées citoyennes, budgets participatifs, planification écologique locale, services publics autogérés, partage des biens communs (eau, énergie, culture, santé).
Mais cette reconquête locale ne vaut que si elle s’inscrit dans un projet plus large : la reconstruction d’une République sociale à l’échelle nationale, portée par la puissance publique.
Les auteurs rappellent que la Sécurité sociale, les retraites ou les grands services publics sont nés d’une logique de solidarité nationale — et qu’aucune émancipation locale ne saurait s’y substituer.
> « Les 34 000 communes de notre pays peuvent devenir le creuset d’un tel projet d’émancipation. »
Le mot “creuset” résume bien leur approche : les communes sont des préfigurations du monde à venir, pas des refuges séparés du reste de la société.
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Une stratégie pour la gauche du XXIᵉ siècle
Pour un nouveau communalisme est aussi un texte politique au sens stratégique du terme.
Dans un paysage fragmenté, où la gauche peine à retrouver son ancrage populaire, les auteurs proposent un cap clair : réinvestir le terrain municipal, sans pour autant renoncer à la reconquête de l’appareil d’État.
Là où l’État central se montre impuissant face aux urgences sociales et écologiques, les communes peuvent redevenir des outils d’action concrète : relocaliser la production, garantir l’accès à l’eau, préserver les terres, favoriser la solidarité de proximité.
Mais ces expériences n’ont de sens que comme parties prenantes d’un tout : une République sociale refondée.
> « Il s’agit de renouer avec cette tradition, en inventant un nouveau communalisme. »
Le livre ne plaide pas pour une “commune des communes” à la manière de Bookchin, mais pour une préfiguration : des pratiques locales qui annoncent ce que pourrait devenir la République si elle redevenait vraiment sociale.
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Au-delà du concept, une pratique du quotidien
Ce livre n’est pas un simple essai théorique. Il appelle à la pratique.
Être communaliste, c’est militer pour la cantine municipale plutôt que pour la start-up du quartier. C’est défendre le centre social plutôt que l’espace de coworking. C’est croire que la politique commence dans la rue où l’on habite.
En lisant ce livre, j’ai retrouvé ce qui m’a poussée à m’engager : le goût du concret, la conviction que la solidarité se construit dans la proximité, mais aussi la conscience que ces combats locaux s’inscrivent dans un horizon collectif et national.
Le communalisme n’est pas un repli : c’est une avant-garde
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Le local comme horizon et tremplin
Pour un nouveau communalisme n’est pas un manifeste de plus : c’est une proposition pour réapprendre à vivre ensemble politiquement.
Il nous rappelle que la transformation sociale ne viendra pas d’un grand soir, mais de milliers de petits matins, dans nos communes, nos quartiers, nos assemblées.
Mais ces matins doivent dialoguer entre eux : le local n’a de force que relié à la nation.
La révolution citoyenne ne tombera pas du ciel : elle se construira au sol, mais elle aura besoin d’un État refondé pour durer.
Et si la République sociale que nous attendons toutes et tous renaissait d’abord ici, dans nos communes — avant de se reconstruire à l’échelle du pays ?
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📚 Référence
Cécile Gintrac, Manuel Menal, Allan Popelard, Antoine Salles-Papou
Pour un nouveau communalisme
Éditions Amsterdam / Institut La Boétie, 2025 – 216 pages.
Préface de Jean-Luc Mélenchon.