Je crois qu’il est temps de refonder la République. Pas pour en changer les symboles, ni pour inventer un nouveau récit national, mais pour en transformer l’âme. Depuis trop longtemps, la République française se présente comme universelle, alors qu’elle a été pensée, écrite et gouvernée par des hommes, pour des hommes. L’égalité qu’elle promet reste inachevée. Son universalisme, sélectif. Sa devise, souvent trahie.
Je rêve d’une République féministe.
Une République qui reconnaîtrait enfin que la neutralité de l’État n’a jamais existé, que ses institutions ont été bâties dans un cadre patriarcal où le pouvoir, le savoir et la parole sont restés l’apanage masculin. Une République qui regarderait en face la réalité : des femmes tuées chaque semaine sous les coups de leur conjoint, des mères seules qui travaillent à temps partiel faute de modes de garde, des militantes harcelées pour avoir pris la parole, des adolescentes qui intériorisent très tôt qu’elles devront se justifier plus, s’excuser plus, se battre plus.
Une République féministe ne serait pas un régime réservé aux femmes. Elle serait une République qui met enfin en pratique ce que la promesse républicaine aurait dû signifier : la liberté réelle, l’égalité effective, la dignité pour toutes et tous.
Elle serait fondée sur une conviction simple : l’émancipation des femmes n’est pas un supplément d’âme, c’est la condition de toute démocratie authentique.
Dans cette République, on ne tolérerait plus que la précarité ait un visage féminin. On ne banaliserait plus le harcèlement au travail ou les violences sexistes en politique. On ne laisserait plus les hommes écrire l’histoire au nom de tout le monde.
On enseignerait l’égalité non pas comme une morale abstraite, mais comme une culture partagée, une éthique de la relation. On apprendrait à écouter, à partager la parole, à reconnaître ce qui nous lie.
Une République féministe repenserait les fondations mêmes de la société :
Elle mettrait le soin — des corps, des liens, de la planète — au cœur des politiques publiques.
Elle garantirait le droit à la sécurité et à l’autonomie économique pour chaque femme.
Elle rendrait la justice plus protectrice que punitive, centrée sur la réparation et la prévention.
Elle ferait de la sororité une valeur politique, et non un mot marginalisé.
Je ne veux plus d’une République qui proclame des principes tout en acceptant que les femmes soient pauvres, épuisées, agressées, réduites au silence.
Je veux une République qui tienne enfin sa promesse.
Une République féministe serait une République du courage.
Celle qui affronterait ses propres contradictions, qui oserait repenser la Constitution, qui donnerait une voix égale aux femmes dans toutes les institutions, des communes aux ministères.
Celle qui comprendrait que le féminisme n’est pas une menace pour la République, mais son avenir.
Je ne crois pas que ce soit un rêve naïf.
C’est une exigence.
Et c’est à nous, femmes et allié·es, citoyennes et citoyens conscients, de la construire ensemble, pas dans les grands discours, mais dans chaque geste, chaque loi, chaque regard.
Car une République féministe, ce n’est pas seulement un horizon politique.
C’est une promesse de civilisation.