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Billet de blog 30 septembre 2025

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Le culot des hommes : ce que ça fait à ma voix

Moi, je doute. Moi, je mesure mes mots, je m’excuse, je corrige. Eux, ils s’imposent. Et à force, je finis par intérioriser ce déséquilibre : si je me tais, c’est peut-être que je ne suis pas assez sûre de moi. Mais non, la vérité, c’est que je me tais parce qu’ils ne laissent pas de place.

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Cette manière qu’ils ont de se sentir toujours à leur place, de s’autoriser tout, de parler plus fort, plus longtemps, sans jamais douter de leur légitimité.

Moi, je doute. Moi, je mesure mes mots, je m’excuse, je corrige. Eux, ils s’imposent. Et à force, je finis par intérioriser ce déséquilibre : si je me tais, c’est peut-être que je ne suis pas assez sûre de moi. Mais non, la vérité, c’est que je me tais parce qu’ils ne laissent pas de place.

On ne peut pas parler de ce culot sans revenir à l’enfance. Les garçons, on les élève dans l’idée qu’ils ont le droit d’occuper l’espace. On les encourage à parler fort, à prendre des risques, à être sûrs d’eux. On excuse leurs colères, leurs bêtises, leurs interruptions : « ce sont des garçons ». À l’inverse, les filles apprennent très tôt à être sages, discrètes, polies. On les félicite quand elles se taisent, quand elles sourient, quand elles s’effacent. Alors forcément, devenus adultes, les hommes se comportent comme si tout leur était dû : ils n’ont jamais appris à douter, à se mettre en retrait, à écouter vraiment. Leur culot est fabriqué, cultivé, légitimé depuis l’enfance.

Le culot masculin, je le ressens comme une invasion. C’est un bruit qui couvre ma voix, un poids sur ma poitrine. C’est cette impression de parler dans le vide, d’être transparente, et de voir mes idées reprises par d’autres avec l’assurance que je n’ai pas. Leur culot devient mon effacement.

Parfois, je me demande d’où ils tirent cette assurance. Est-ce qu’ils croient vraiment qu’ils savent mieux que nous ? Est-ce qu’ils se rendent seulement compte de l’espace qu’ils prennent ? Ou est-ce que, quelque part, ils en ont conscience, mais ils s’en fichent ? Ce doute me hante, et je me surprends à leur trouver des excuses, comme si je devais justifier leur comportement plutôt que ma colère.

Ce culot me met en colère, mais il me rend aussi triste. Triste parce que je réalise combien il m’a marquée, combien il a façonné ma manière d’être en société, dans le militantisme, dans mes relations. Combien de fois ai-je avalé mes mots, renoncé à dire ce que je pensais, par peur d’être coupée, corrigée, minimisée ?

Écrire ce texte, c’est déjà une façon de reprendre ma voix. De dire : votre culot, je le vois, je le vis, mais je ne veux plus le subir en silence. Peut-être que je ne pourrai pas toujours le contrer en face. Mais je peux, au moins ici, poser mes mots, sans interruption.

Le culot des hommes n’est pas une qualité, c’est une domination. Et je refuse désormais d’y plier ma voix.

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