A moins d'un an de l'élection du successeur de Luiz Inacio Lula da Silva, le gouvernement met l'accélérateur sur les mesures d'inclusion sociale. L'objectif est de faciliter l'accès des banques aux milieux les plus défavorisés. Pour ce faire, Brasilia veut utiliser le programme Bolsa Familia. Créée en 2003, cette allocation remise aux familles les plus pauvres en échange de la vaccination et de la scolarisation de leurs enfants est un des étendards des années Lula. Il concerne aujourd'hui 12,4 millions de familles dans une situation de pauvreté ou d'extrême-pauvreté. Le gouvernement compte toucher 12,9 millions de personnes d'ici à la fin de 2010. Les sommes sont très modiques (entre environ 25 euros à 80 euros par mois selon le degré de pauvreté et le nombre d'enfants), mais parviennent à améliorer le quotidien des familles grâce à plus de nourriture et le maintien des enfants à l'école. Dans beaucoup de petits villages, il a permis la relance du petit commerce et rétabli la confiance : il suffit qu'une mère de famille (ce sont en général les femmes qui en ont la responsabilité) montre sa carte Bolsa Familia pour que le commerçant accepte de lui faire crédit, en sachant qu'à la fin du mois, elle pourra payer. Le paiement, effectué par le biais de la Caixa Federal, une institution financière publique grâce à la carte. Depuis peu, l'organisme a décidé de mettre en place des comptes bancaires « Caixa Facil » destinés aux personnes qui par absence de documents (comme une facture prouvant une adresse) ou par inhibition sont exclus du système bancaire. Il a déjà réussi à inclure 2,1 millions de Brésiliens destinataires du programme Bolsa Familia grâce à ce projet pilote, qui est né dans la ville de Belo Horizonte, dans le Minas Geras. Ce compte est facile d'utilisation, n'exige pas de dépôt initial pour être ouvert, et surtout, il est gratuit. Il suffit d'avoir plus de 16 ans et de disposer d'une carte d'identité pour y avoir accès. L'objectif de la Caixa est d'étendre ce service à 4 millions de Brésiliens d'ici à la fin 2010. L'organisme a aussi mis en place des cours d'éducation financière destinés au public le plus défavorisé.
On applaudit l'initiative qui, si elle ne moralise pas le secteur bancaire, pourra peut-être, du fait de la concurrence qu'elle induira, rendre ses pratiques à l'égard des plus pauvres plus respectables. Aujourd'hui, il reste pratiquement impossible pour un pauvre d'ouvrir un compte en banque, ou il faut se plier à tous les caprices du banquier, comme ouvrir en parallèle une assurance-vie. Une source supplémentaire de revenus pour la banque, que le client ne peut se permettre. C'est illégal, mais les institutions financières s'en moquent : elles comptent sur l'ignorance de ces nouveaux clients qui ne sont pas encore considérés comme des citoyens à part entière, et sur leur peur d'être par exemple inscrit au registre des mauvais payeurs, pour imposer leurs règles. Le relèvement du niveau d'instruction financière pourrait également pousser les grands magasins populaires, qui vendent aujourd'hui à crédit aux plus pauvres, à adopter des pratiques plus responsables. Ils profitent du fait que les personnes dotées d'un très bas revenu préfèrent payer une petite mensualité pendant longtemps que débourser une grosse somme d'un coup. Sans comprendre les calculs de taux d'intérêts, ils ne s'aperçoivent que tardivement qu'ils ont finalement payé deux ou trois fois les objets ainsi acquis.
L'une des grandes lacunes des années Lula est de ne pas avoir affronté le secteur financier, qui reste roi au Brésil. On peut au moins se féliciter que le gouvernement apprenne à la population à y faire face, pour mieux se défendre.