« Il est touchant de voir les enfants aller bras dessus, bras dessous, dans toutes les nuances de la peau humaine, chocolat, lait, café, et cette fraternité se maintient jusqu’au plus hauts degrés, jusque dans les académies et les fonctions d’Etat ». Seule la barbarie du nazisme déchirant alors l’Europe peut expliquer l’aveuglement dont fait preuve l’écrivain Stefan Zweig, dans son bijou de livre écrit quelques mois après son arrivée à Rio de Janeiro. La fameuse cordialité brésilienne camoufle un racisme persistant, qu’on dirait parfois exacerbé par les avancées de la politique sociale mise en place par le gouvernement de Louiz Inacio Lula da Silva, et poursuivie par Dilma Rousseff, qui lui a succédé il y a tout juste un an. Témoin cet épisode, raconté sur un des principaux sites politiques progressistes du pays – j’ai d’ailleurs emprunté le titre de la chronique, tant il est juste. Vendredi 30 décembre, un couple de touristes, espagnols catalans décide d’aller déjeuner dans un restaurant « kilo » - très commun au Brésil, on se sert à un buffet, et on pèse l’ensemble pour déterminer l’addition – du quartier Paraiso, en plein centre de la très multiculturelle Sao Paulo. Leur fils de six ans préfère les attendre assis à table. Tout en remplissant les plats, la mère jette un oeil de temps à autre, pour constater sa disparition. Desespérée, elle le cherche dans tout le restaurant, avant d’être informée par d’autres clients qu’un garçon l’avait mis dehors. Sur le pas de la porte, le couple trouve l’enfant recroquevillé, en larmes, répétant qu’un « homme l’a pris par le bras et l’a jeté dehors ». Le gérant arrive, explique : beaucoup d’enfants des rues trainent à la porte du restaurant pour demander de quoi manger. S’estimant une personne de coeur, il leur donne de temps à autres un plat, mais ne supportant pas qu’ils importunent les clients, il les jette dehors le plus souvent. Il a pensé que c’était le cas de ce petit assis seul à la table. Fier de son explication, il ne juge pas nécessaire de s’excuser. Détail essentiel, le petit enfant de six ans est noir....
L’épisode fait chaudes sur internet, et rappelle que même si le Brésil est un pays merveilleux et ouvert, les transformations sont lentes, et la violence sociale, permanente.
Que 2012 vous soit toute douce. J’espère reprendre ici un rythme d’écriture qu’un surcroit de travail a rendu difficile l’année dernière. Feliz ano novo !