Quelques jours de vacances, et me voici de retour à Rio de Janeiro où une nouvelle accroche mon regard : «Avec cette mesure, nous remercions tous les immigrés qui ont aidé et continuent à aider à construire notre pays ». Non, ce n’est pas de la science-fiction, c’est l’attaque du discours du président Lula ce jeudi, en annonçant l’amnistie des étrangers en situation irrégulière dans le pays. On commencera à leur donner un titre de séjour de deux ans, qui sera ensuite transformer en carte de résident permanent. Bien qu’il n’existe aucun chiffre officiel sur les sans-papiers au Brésil, les ONG estiment que près de 200 000 personnes devraient avoir recours à l’amnistie. Pour la majorité, ce sont des Boliviens, des Paraguayens et des Péruviens, mais aussi des Chinois.
Le plus important au Brésil, c’est que cette décision n’est pas partisane. Il y a dix ans, le gouvernement de centre-droit de Fernando Henrique Cardoso avait déjà amnistié des dizaines de milliers d’étrangers sans-papiers. Cette fois, le texte a été signé par Lula avec enthousiasme, mais il a été soumis au Parlement par un député de l’opposition, plus exactement du PSDB (parti de la social-démocratie brésilienne, de Fernando Henrique Cardoso), William Woo. Issu d’une mère japonaise et d’un père chinois, marié avec une coréenne naturalisée brésilienne, ce député de Sao Paulo est le visage même de l’intégration à la brésilienne.
Pour le gouvernement, l’enjeu de la mesure a, pour toile de fonds, le souci d’améliorer les conditions de travail parfois proches de l’esclavage que subissent plusieurs immigrés illégaux dans la capitale économique du pays. Plusieurs mafias profitent de leur statut clandestin pour les enfermer 20 heures par jour pour travailler. « Il vont pouvoir ouvrir la porte et partir », a déclaré Lula, rappelant que désormais, ces immigrés avaient les mêmes droits et devoirs que les Brésiliens, hormis celui de voter et d’être candidat à un mandat électif.
Le vrai changement de ton entre Lula et son prédecesseur est dans la confrontation avec les pays riches. L’ex-métallo, qui avait déjà placé son homologue britannique dans l’embarras il y a quelques semaines en critiquant les “hommes blancs aux yeux bleux” responsables de la crise financière mondiale dont les pauvres sont les principales victimes, ne cache pas sa colère contre la politique migratoire des pays riches, et notamment l’Europe.
Le Brésil, comme la majorité des pays latino-américains, n’a pas avalé la « directive de retour » de l’Union Européenne, qui prévoit le renvoi des immigrés illégaux dans leur pays. Invité la semaine prochaine en Italie au sommet du G8 – les huit pays les plus industrialisés du monde – Lula a fait savoir qu’il en profiterait pour «leur montrer comment on traite les étrangers ». «Notre pays peut donner une leçon au monde, au contraire de certains pays riches, qui considèrent que les immigrés sont la cause de leurs problèmes économiques », a ajouté Lula. Le président brésilien a rappelé qu’enfant, il avait dû quitter son Nordeste misérable pour s’installer à São Paulo. «Personne ne quitte sa ville natale de gaité de cœur, mais pour chercher une vie meilleure pour sa famille. C’est que la mienne a fait. C’est pour cela que les pays riches doivent mettre l’accent sur la solidarité sur la question de l’immigration », a-t-il conclu.