Moins de 200 ans après l'indépendance du Brésil quel est l'héritage laissé par le Portugal ? La langue bien sûr, le goût pour la morue les jours de fêtes et surtout la bureaucratie. Il ne se passe pas un jour sans qu’on ait envie de s’arracher les cheveux face au galimatias administratif qu’offre ce beau pays, évidemment propice à la corruption. On a même inventé un métier ici pour faire face à ce casse-tête : le « despachante », chargé de résoudre tous vos problèmes administratifs (retirer un passeport, retirer un extrait d’acte de naissance etc…) contre salaire. L’actualité offre un nouvel exemple, presque drôle, de la nature kafkaïenne de l’administration. C’est l’histoire de James Alves da Silva, prononcé « JAMES », à la française, et non à l’anglaise, une jeune fille de 17 ans. Née à Bahia, dans le Nordeste, elle a dument été enregistrée par ses parents dans le « cartorio » local (espèce de bureau de notaires, passage obligé de toutes les formalités au Brésil). A l’époque, le fonctionnaire zélé a sans doute estimé que JAMES ne pouvait pas être une fille et a tranquillement noté sur l’extrait d’acte de naissance qu’il s’agissait d’un garçon. Ce n’est que quinze ans plus tard, quand elle décida de faire sa carte d’identité, que James s’est aperçu de l’erreur. Impossible de la corriger : malgré les assurances de sa famille, et ses formes, évidemment féminines, James ne pouvais prouver au cartorio qu’elle était bien une femme. L’année dernière, la jeune fille a voulu se marier. Impossible, puisque la loi brésilienne n’autorise pas les mariages entre personnes du même sexe, et que, sur le papier au moins, elle était un homme. Il y a huit mois, elle est tombée enceinte. Impossible, une nouvelle fois, d’avoir accès aux soins gratuits fournis par l’hôpital, en particulier au suivi de la grossesse, puisqu’il s’agissait d’un homme. Sa mère a finalement réussi, à l’issue d’une bataille juridique d’un an à faire soumettre sa fille à des batteries d’examens. Le processus a coûté une fortune à cette famille modeste : ils avaient déménagé depuis la naissance de l’enfant, et il fallait retourner dans le premier cartorio pour corriger l’erreur initiale. Conclusion des médecins : James a un utérus, et d’ailleurs, elle devrait accoucher dans moins d’un mois. La jeune fille va avoir droit de changer de sexe sur le papier, et par la même occasion, elle prend un nouveau prénom : Nicole, pour en finir avec tous les problèmes.
James-Nicole sait que son bébé est une petite fille. Elle a déjà choisi le prénom : ce sera Ana Elisa, pour éviter tout cauchemar à l’avenir.