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Billet de blog 6 septembre 2008

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Le système carcéral brésilien, miroir des inégalités

Le chiffre fait froid dans le dos. On estime que dans les prisons brésiliennes croupissent environ 9000 personnes qui ont déjà purgé leur peine, oubliés, sans avocat capable de plaider leur cause. Les directeurs des prisons reconnaissent qu’ils ont du mal à savoir qui doit encore rester derrière les barreaux ou non

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Le chiffre fait froid dans le dos. On estime que dans les prisons brésiliennes croupissent environ 9000 personnes qui ont déjà purgé leur peine, oubliés, sans avocat capable de plaider leur cause. Les directeurs des prisons reconnaissent qu’ils ont du mal à savoir qui doit encore rester derrière les barreaux ou non : dans certains Etats, le contrôle des prisonniers est fait de façon manuelle. Un registre perdu, une page déchirée, ou une écriture illisible, et il est impossible de savoir quelle est la situation du détenu. Certains arguent qu’ils devraient être libres depuis longtemps, personne n’en sait rien. Dans le doute, l’institution carcérale préfère les oublier dans une cellule à la réalité inhumaine : on compte souvent près de 80 prisonniers dans 30 mètres carrés, dormant chacun son tour, il n’y a pas assez de place pour tous s’étendre. Il y a pire : les prisons sont aussi pleines d’innocents. Le département pénitentiaire calcule que 133 000 personnes sont en prison préventive, avant même d’être jugé, soit 30% de la population carcérale, une proportion inacceptable. La loi exige que le suspect soit traduit devant le juge dans un délai de 81 jours, certains y sont depuis plus de deux ans, partageant la cellule avec des détenus déjà condamnés. Le quotidien de São Paulo a interrogé le député Domingos Dutra, qui a visité 62 prisons dans 18 états au cours des 8 derniers mois. Il a rencontré de nombreux « oubliés » dans les prisons. « Mais ce n’était jamais des cols blancs, confie-t-il au journal, seulement des cols noirs : des jeunes, pauvres et noirs ». Sans le sou, souvent issus de familles déstructurées, ils n’ont aucune assistance juridique. Bien sûr, l’Etat doit théoriquement mettre à leur disposition des défenseurs publics. Ils sont trop peu nombreux : à São Paulo par exemple, chaque défenseur public a 5478 détenus en charge. Car les Brésiliens sont loin d’être logés à la même enseigne. Le mois dernier, le banquier Daniel Dantas a été emprisonné deux fois de suites, il n’est resté derrière les barreaux que quelques heures. Défendu par les meilleurs avocats du pays, il a été libéré sous l’ordre du président du Tribunal Suprême fédéral.