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Billet de blog 6 mars 2009

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Neuf ans, violée, enceinte de jumeaux, condamnée par l’Eglise

Dans les journaux, elle n’apparaît en photo que de dos, afin de protéger son identité. Une frêle enfant aux cheveux longs et bruns, ramassés dans la nuque. Nous l’appellerons Maria. Elle vient d’avoir neuf ans, et elle habite près de Recife, la capitale du Pernambouc, dans le Nordeste brésilien, la région la plus pauvre du pays.

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Dans les journaux, elle n’apparaît en photo que de dos, afin de protéger son identité. Une frêle enfant aux cheveux longs et bruns, ramassés dans la nuque. Nous l’appellerons Maria. Elle vient d’avoir neuf ans, et elle habite près de Recife, la capitale du Pernambouc, dans le Nordeste brésilien, la région la plus pauvre du pays.

Elle se plaignait de maux de ventre. Le 25 février, sa mère l’a emmenée au centre de santé, pour découvrir qu’elle était enceinte de jumeaux, suite à des viols répétés commis par son beau-père. Interrogée, Maria révèle qu’elle est victime d’abus sexuels depuis l’âge de six ans. C’est cette vie sexuelle précoce qui a provoqué un déclenchement de ses règles avant l’âge. Son beau-père a reconnu les sévices devant la police, tout comme ceux qu’ils commettaient contre la grande soeur de Maria, âgée de 14 ans. Leur mère assure n’en avoir rien vu. Le cauchemar ne s’est pas terminé. Maria a le droit d’avorter, elle se situe même dans les deux seuls cas qui permettent légalement l’avortement au Brésil : le viol et la mise en danger de la santé de la mère. Dans les autres situations, c’est impossible, comme dans le reste de l’Amérique latine, hormis à Cuba et dans la ville de Mexico où un référendum a récemment légalisé l’interruption volontaire de grossesse. Le ministre de la santé voudrait lancer un débat sur la question au Brésil, arguant d’une part que les grossesse précoces brisent les vies des adolescentes, et rappelant le nombre de femmes qui meurent en tentant des avortements sauvages. Des centaines tous les ans. Mais il se heurte à la détermination de l’Eglise qui est prête à tout pour, au contraire, en finir avec les deux exceptions de la loi brésilienne. Elle vient de le démontrer avec l’histoire de Maria. Sa mère a été poursuivie par les autorités religieuses, qui ont convaincu le père de Maria de s’opposer à l’interruption de grossesse. La gamine a dû être transférée dans un autre hôpital, pour un avortement d’urgence, à quinze semaines de grossesse. L’enfant mesure 1,33m et pèse 36 kilos. Selon le directeur de la maternité, les risques pour sa vie étaient énormes, son corps n’étant pas prêt à porter deux enfants, sans même mentionner le drame psychologique. Maria a finalement réussi à se faire avorter il y a deux jours, mais l’Eglise vient d’annoncer l’excommunication de tout le corps médical responsable de l’acte. Depuis les années 1980, alors que le vent de conservatisme souffle de plus en plus fort sur le Vatican, la religion catholique ne cesse de perdre des adeptes, 1% par an, selon les spécialistes des questions religieuses.