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Billet de blog 7 février 2011

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Le nouveau jeu de la presse brésilienne : monter Lula contre Dilma

Au sein du gouvernement de Dilma Rousseff, un petit groupe de naïfs se frotte les mains : après des années d'opposition flirtant (et le terme est indulgent) avec la mauvaise foi et la diffamation, les principaux quotidiens brésiliens semblent observer une lune de miel avec la nouvelle hôte du palais présidentiel du Planalto.

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Au sein du gouvernement de Dilma Rousseff, un petit groupe de naïfs se frotte les mains : après des années d'opposition flirtant (et le terme est indulgent) avec la mauvaise foi et la diffamation, les principaux quotidiens brésiliens semblent observer une lune de miel avec la nouvelle hôte du palais présidentiel du Planalto. Il ne se passe pas une journée sans que des articles soient dédiés au nouveau « style » de la présidente. Dernière une en date, celle du quotidien carioca « O Globo », qui célèbre les «Nouveaux vents du Planalto ». Elle est « rapide dans ses décisions », au contraire de Lula, présenté comme indécis. Pour lui faire changer d'avis, il faudrait « lui présenter des informations solides », elle ne tranche pas en fonction de l'intuition, véritable boussole de l'ex-ouvrier métallurgique. Dilma ne supporte pas que son pouvoir soit remis en question, et surtout qu'un subalterne annonce avant elle une de ses décisions, ou des axes de son gouvernement. Lula, en revanche, « cédait aux pressions politiques des alliés ». Alors que Lula est présenté comme l'homme qui accepte joyeusement les violations des droits de l'homme en rencontrant son homologue iranien Mahmoud Ahmadinejad, elle, ex-combattante de la guérilla contra la dictature est nécessaire moins flexible à cet égard. Alors que Lula était extrêmement présent aux yeux des Brésiliens, en faisant jusqu'à cinq actes publics par jour parfois - décision présentée comme une perte de temps par la presse - Dilma se concentre sur la gestion du pays en préférant ne pas sortir du Palais. Certains articles - des éditoriaux, pour faire moins partisans - sont plus directs encore : elle aime les livres, alors que Lula n'en a probablement jamais terminé un.

On espère seulement que le groupe des naïfs - le plus souvent d'ailleurs, dénués d'expérience politique ou très sympathiques aux intérêts du grand capital, comme c'est notamment le cas du chef de la Maison Civile Antonio Palocci - n'ait pas trop l'oreille de la présidente. Car dans son absence de subtilité, la presse, qui a défendu ouvertement sa préférence pour l'opposition au cours des huit dernières années a une stratégie très claire : déconstruire l'image de Lula, président le plus populaire de l'histoire du Brésil, et encenser Dilma dans l'espoir de créer des tensions sinon entre eux, du moins entre leurs conseillers. L'avantage pour la droite est évident : Lula représente pour eux le principal danger, que ce soit du fait de sa possibilité de briguer de nouveau un mandat en 2014 ou 2018, ou que ce soit en se mettant, loyalement, au service de la présidente. Donner à Dilma l'illusion qu'elle pourrait le remplacer dans le cœur des Brésiliens, et via son efficacité serait une grande réussite. De ce fait, elle perdrait l'appui du Parti des Travailleurs, où elle ne possède aucun levier réel, et perdrait ainsi sa capacité de gouverner autrement. Il lui resterait alors la loyauté des « technocrates », qui comme on le sait, n'ont pas d'idéologie : banquiers, entrepreneurs, tous au service d'un « choc de gestion », positif pour le pays.

Prochain test jeudi, avec l'anniversaire du PT, au cours duquel Lula sera intronisé président d'honneur. La presse recommande que la présidente n'y aille guère, pour éviter d'être dans l'ombre de son prédécesseur. Mais ne pas aller remercier les militants d'une victoire qu'elle ne doit qu'à eux - et à Lula - pourrait s'avérer une des erreurs les plus graves de ce début de mandat.