Lamia Oualalou (avatar)

Lamia Oualalou

Journaliste

Pigiste Mediapart

250 Billets

0 Édition

Billet de blog 8 février 2009

Lamia Oualalou (avatar)

Lamia Oualalou

Journaliste

Pigiste Mediapart

Le nouveau visage de Dilma Roussef, candidate à la succession de Lula

Lamia Oualalou (avatar)

Lamia Oualalou

Journaliste

Pigiste Mediapart

Elle travaille quinze heures par jour, en demande tout autant à ses conseillers qu’elle houspille à longueur de journée, et elle est responsable du Programme d’accélération de la croissance (PAC), l’arsenal keynésien du Brésil, lancé en grande pompe au début du second mandat du président Luiz Inacio Lula da Silva pour moderniser, à travers la dépense publique, les infrastructures du Brésil et lui permettre, tout en créant des emplois, de lui faire faire un saut qualitatif en terme de croissance. La ministre Dilma Roussef n’a pourtant pas profité de la dizaine de jours de vacances, à la fin décembre, pour se reposer – ici, c’est l’équivalent du mois d’août puisque nous sommes en plein été. A la veille de Noël, la chef de la Maison Civile, ce qui correspondrait en France à un statut de Premier ministre, s’est rendu dans une clinique du sud du pays, sa région d’origine, pour se soumettre à plusieurs opérations de chirurgie esthétique. Les coups de bistouri ont duré, aux dires de son médecin, moins de deux heures. Le résultat est spectaculaire. Dilma – au Brésil, on utilise plus facilement les prénoms que les noms pour qualifier les politiques – paraît plus jeune de dix ans et elle a gommé quelque chose de la dureté de ses traits. Au passage, elle a opté pour des lentilles, laissant au placard des lunettes de professeur. Elle a également embauché une nutrionniste qui l'aide à perdre ses kilo et découvre les charmes du rouge à lèvres. Dans son entourage, on souligne en rigolant qu’il ne lui reste plus qu’à lifter son caractère, connu pour sa rudesse. L’opération a fait couler beaucoup d’encre dans la presse. D’abord parce qu’elle entérine une des rumeurs de la place : Dilma Roussef est bien candidate à la succession de Lula, en octobre 2010. Le geste souligne à la fois l’ampleur des sacrifices qu’elle est prête à faire, l’important du paraître dans une société où plus de 98% de la population a la télévision – une proportion supérieure que celle des réfrigérateurs dans les foyers. Il faut dire que la dimension du pays (seize France), fait du petit écran un outil privilégié de la politique. L’autre information, c’est qu’après avoir longtemps refusé de s’y soumettre, le Parti des Travailleurs de Lula se vautre dans cette dictature de l’image. En 1989, Lula arborait une longue barbe qui collait parfaitement à la propagande négative montée à son encontre de bolchévique dangereux. En 2002, les poils étaient coupés courts et le costume impeccable. Doit-on s’en désoler ? On peut. Mais en 1989, le « bolchévique » a perdu. En 2002, « Lulinha paz e amor » (« petit Lula paix et amour ») devenait le Président brésilien le mieux élu de tous les temps. L’encre enfin, s’est déchaînée pour se moquer de cette transformation dans le pays qui compte pourtant le plus de chirurgiens esthétiques au monde par habitant, et où la Globo, la toute puissante chaîne de télévision glorifie normalement toute augmentation du tout de poitrine ou réduction des cernes. Si l’on avait encore des doutes, ils sont dissipés : comme en Europe, le machisme en politique fait de la résistance. Se faire belle pour le cinéma, d’accord, accrocher les caméras et avancer un projet politique, non. La presse, qui fait ouvertement campagne pour le candidat conservateur José Serra, trop heureuse de ne plus avoir enfin la popularité indécente de Lula (84% en janvier) ne s’y est pas trompée. Dilma n’est pas seulement une techno efficace de mauvais caractère, jamais passée par le suffrage universel. Elle est aussi une figure de la gauche à l’époque de la dictature. A l’époque, elle était fameuse pour organiser les hold-ups de banque pour financer la guérilla. Emprisonnée, torturée, elle a marqué les esprits en restant comme celle qui, interrogée de la façon la plus cruelle pour donner le nom de ses compagnons, s’est murée dans le silence après avoir craché au visage de son bourreau. Dilma ne fait pas rêver le Parti des Travailleurs (PT), où elle n’a pas de courant. Mais choisie comme l’une des options de Lula, et sans autre candidat naturel, elle devient la femme à abattre par la droite.La préoccupation des élites est évidente : le visage de Dilma a été lifté. Ce n'est peut être pas le cas de ses convications politiques.