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Billet de blog 8 septembre 2009

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La France vend ses Rafale au Brésil : une métamorphose géopolitique

On saura tout sur les exploits de l’équipe de basket-ball brésilienne, les avancées de la recherche sur la maladie de Parkinson dans un laboratoire américain, les méfaits de gangs à Salvador de Bahia et même un fait divers sordide en Italie.

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On saura tout sur les exploits de l’équipe de basket-ball brésilienne, les avancées de la recherche sur la maladie de Parkinson dans un laboratoire américain, les méfaits de gangs à Salvador de Bahia et même un fait divers sordide en Italie.

Ce lundi 7 septembre, il faut en revanche attendre 25 minutes pour que le « Jornal Nacional », journal télévisé phare de la TV Globo, le plus important du panorama audiovisuel brésilien, pour entendre parler de la fête nationale, le 14 juillet local. Il ne faut pas s’en étonner : les élections présidentielles auront lieu dans treize mois, et la Globo, comme la majorité des médias brésiliens, est déjà en campagne. Lula ne peut se représenter, mais il compte transférer sa popularité, énorme, sur sa dauphine, Dilma Roussef. La droite, qui tient la presse, l’a compris, et fait silence sur tout ce qui est positif. La fête à Brasilia en fait partie.

Ce 7 septembre n’est pourtant pas un jour comme les autres. Une semaine auparavant, Lula annonçait les nouvelles règles d’exploitation du pétrole brésilien, en réaffirmant le rôle de l’Etat, un acte de souveraineté d’importance, qui a fait grimacer les multinationales étrangères. Il soulignait la nécessité de ne pas faire de ce pétrole une malédiction propre à provoquer le syndrome de ce que les économistes appellent la « maladie hollandaise », cette propension des pays à dépendre d’un seul produit au point de perdre leur productivité dans tous les autres secteurs.

Cette année, la fête nationale est aussi marquée par la visite de Nicolas Sarkozy en pleine année de la France au Brésil. Lula rend ainsi la politesse à la France (photo Agencia Brasil, de Wilson Dias). Le 14 juillet 2005, Jacques Chirac prenait le prétexte de l’année du Brésil en France pour convier Lula à assister au défilé militaire. Des officiers brésiliens ont même célébré le drapeau jaune et vert sur les Champs-Elysées. Pour Lula, qui était à l’époque dans une mauvaise passe – en plein scandale du prétendu « mensalao »- n’oublie ni ce geste, et l’accueil des Parisiens, qui lui ont fait une ovation le soir sur une scène de concert.

Mais au-delà des symboles, le président brésilien a créé la surprise en annonçant la décision d’acheter 36 avions de chasse français, en l’occurrence, des Rafale. Lula a ainsi court-circuité le calendrier de l'appel d'offres, mettant de facto hors course les deux avions concurrents du Rafale encore en lice : le F-18 Super Hornet de Boeing et le Grippen du suédois Saab. La décision n’est pas totalement une surprise. Certes, le Rafale est plus coûteux, et Dassault n’a jamais réussi à le vendre à l’étranger – ce qui fait de cette opération un immense succès pour le constructeur français. Mais l’Hexagone proposait des transferts de technologie supérieurs, une priorité pour l’industrie aéronautique brésilienne. Lula a pris de court le secteur en anticipant la décision, et il faut y voir un geste hautement politique, une réponse à l’arrogance américaine, qui n’a même pas pris les formes à l’égard de la première puissance régionale en annonçant l’installation de sept bases militaires en Colombie, plusieurs à portée de l’Amazonie brésilienne.

Au-delà du cocorico, qui fait la joie de Dassault et de Sarkozy, il faut noter un autre élément. Avec 36 avions de chasses, des sous-marins, des hélicoptères, tous venant avec des transferts de technologie dits « sans précédent », le Brésil effectue son achat le plus important de l’histoire en matière militaire. Pour la première fois, le géant latino-américain semble avoir compris que pour son statut de puissance émergente ne pouvait d’accommoder de faiblesse militaire. On peut le regretter, mais dans l’état actuel des forces, il n’y a pas d’autre issue.

Fin 2007, le Brésil annonçait la découverte de gisements énormes au large de ses côtes, le fameux pétrole pré-sel. Quelques mois plus tard, les Etats-Unis annonçaient la réactivation de la IVe flotte pour patrouiller dans les eaux latino-américaines, en particulier à proximité des gisements brésiliens. Dans les casernes, la frustration le disputait à l’impuissance. Et plus encore lorsque Obama, optant pour l’inertie, a confirmé la décision d’envoyer plus de marines et d’avions dans les bases colombiennes.

Ce lundi 7 septembre Lula l’a rappelé : « Trop de fois dans l’histoire, le pétrole a apporté des guerres et des conflits. Le Brésil ne veut ni guerre, ni conflit. » Pour cela, il faut savoir se faire respecter.