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Billet de blog 8 novembre 2009

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La solitude des nambiquaras de Lévi-Strauss

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La mort de Claude Lévi-Strauss, samedi dernier, a ému le monde des sciences humaines brésilien. On regrette ici la disparition d’un des « quatre mousquetaires du structuralisme » – aux côtés, rappelle la presse, de Roland Barthes, Jacques Lacan et Michel Foucault. On rappelle aussi avec orgueil que le voyage du père de l’anthropologie moderne dans le Brésil des années 1930 s’est révélé fondamental dans ses travaux. Il y a bien sûr sa forte relation avec la ville de São Paulo – Lévi-Strauss a contribué à la création de la prestigieuse Université de São Paulo, l’USP – mais surtout ses longs séjours auprès des Indiens brésiliens. Entre 1935 et 1939, le contact de Lévi-Strauss avec les peuples caduveo, bororo, nambiquara et tupi-cavaiba ont éveillé l’attention du chercheur, et l’ont aidé à mettre sur pied sa réflexion sur la narration mythologique et l’organisation de groupes sociaux. La publication de Tristes Tropiques, en, 1955, a permis à tout le monde de découvrir ces tribus autrefois inconnues mêmes des Brésiliens. Le livre met l’accent sur l’apport des nambiquaras aux théories de l’anthropologue.

Le quotidien brésilien O Globo vient fort opportunément de se pencher sur le sort de ces Indiens, pour souligner qu’alors que le Brésil célèbre avec orgueil les liens qui unissent Lévi-Strauss au Brésil, les Indiens continuent à souffrir des mêmes problèmes qu’à l’époque, dans les années 30. L’anthropologue Ana Maria Ribeiro, qui travaille depuis deux décennies avec les nambiquaras, souligne que si le danger venait hier de l’introduction du télégraphe et de la route, ce sont aujourd’hui les constructions de gigantesques usines hydroélectriques qui, au nom du progrès, mettent une nouvelle fois en péril ce peuple, installé au fin fond du Mato Grosso. Ce n’est pas tout : les soins de santé continuent à laisser désirer.

En 1987, Ana Maria Ribeiro a entamé une correspondance avec Lévi-Strauss, pour le tenir au courant de ses travaux avec les Nambiquaras. Lui se disait surpris de constater que, malgré la violence de l’action « civilisatrice » du reste de la société, ce qu’elle décrivait sur leur « âme » était en tout point identique que ce qu’il avait croisé en 1938. Espérons que sa disparition, et tous les articles qu’elle a occasionnés, sonneront comme une alarme aux yeux des autorités.