Le 15 février 2009, vers 21 heures, lorsque le président vénézuélien Hugo Chavez est apparu à son balcon, entouré des principaux membres de son cabinet et de sa famille, les flashs ont crépité, les caméras se sont braquées. Venus du monde entier, une légion d’envoyés spéciaux – j’en étais – témoignait, dans le Palais de Miraflores, de la réaction du chef d’Etat à l’annonce du résultat du référendum. Chavez avait obtenu l’accord de la majorité de la population pour modifier une constitution qu’il avait lui-même introduite, à l’issue d’un débat extrêmement démocratique, une décennie auparavant. Du monde entier ont alors surgi les éditoriaux sur le prétendu autoritarisme et la dérive totalitaire.
Plusieurs fois par semaine, je pense que l’expérience bolivarienne tourne mal, tout en continuant se révéler prometteuse à d’autres égards. Mais là n’est pas le débat : ce jour là, Chavez a gagné, démocratiquement, le droit d’être candidat à sa propre réélection. La seule explication à ces commentateurs désapprobateurs – émis avec un enthousiasme particulier quand leurs auteurs n’ont jamais mis les pieds au Venezuela – est que la réélection en SOI est mauvaise. Passons sur le fait qu’elle a marqué l’histoire de la cinquième république, et que pouvoir se présenter une autre fois ne signifie pas être élu. Il faut reconnaître que le débat a un sens, dans une région où l’homme populaire est rapidement élevé au rang de messie, avant d’être chassé et conspué par l’autre camps – ou tout simplement abattu ou renversé avec l’aide de puissants voisins.
Mais revenons à une contradiction : où sont les envoyés spéciaux en Colombie ? Cette semaine, le président Alvaro Uribe devrait parvenir à faire approuver par le Sénat une nouvelle modification de la constitution qui lui permettrait de briguer un troisième mandat – et, prenant en compte sa popularité, probablement de l’emporter. Il y a quatre ans, il avait déjà réussi à modifier une première fois le texte : à l’époque, même un deuxième mandat était interdit. On a prouvé depuis que le vote de plusieurs membres du Congrès avait été acheté. Qui s’en émeut ? Hormis une poignée de connaisseurs, on ne voit point de ton indigné quand il s’agit de Colombie. Ni quand s’allonge le nombre de syndicalistes assassinés – plus de 400 depuis qu’Uribe est au pouvoir – ou que la presse est mise au pas par le ton pour le moins direct du chef d’Etat.
La presse étrangère n’y échappe pas d’ailleurs. Tentant de questionner le président sur sa tentative d’être président pour quatre années supplémentaires, le journaliste de la BBC en espagnol s’es vu rabroué par plusieurs « otra pregunta, amigo ! », « une autre question, ami ! ». Face à l’insistance du confrère, Uribe risposte : « Vous êtes d’où ? », « Je suis argentin ». « Regardez l’histoire de votre pays », répond Uribe, en référence probablement, au retour de Peron au pouvoir, vingt ans après avoir été exilé.
Uribe est-il autoritaire et populiste ? Sans doute, mais il est populaire, et à ce titre, ‘'« opinion internationale » autorisée lui reconnaît le droit d’être réélu en toute discrétion. Pourquoi pas ? On peut juste constater qu’en Amérique latine, on n’est pas égaux face à la réélection.