Le travail sécuritaire de la police au Brésil est suffisamment désastreux, avec son cortège de corruption et de violation des droits de l’homme qu’il faut s’arrêter pour saluer la révolution que connaît depuis quelques années la Police Fédérale. Chargée exclusivement d’enquête, elle s’illustre depuis quelques années par la qualité de son travail et son indépendance par rapport au pouvoir politique et aux plus hautes institutions judiciaires. Il y a deux jours, la PF a fait l’impensable : jeter en prison, à l’issue d’un an et demi d’enquête, 24 cols blancs, parmi lesquels un banquier Daniel Dantas, l’un des hommes le plus riche du Brésil. On sait depuis toujours que Daniel Dantas est lié à la majorité des affaires troubles des milieux économiques, mais la police fédérale a pris le soin de bâtir un dossier des plus solides, l’accusant notamment de gestion frauduleuse, évasion de devises, blanchiment d’argent, usage d’informations secrètes, fraude au fisc et détournement d’argent public. Les fonds concernés se chiffrent en centaines de millions de dollars. L’une des stratégies les plus faciles à comprendre mises en place par le banquier a été de mettre sur pied un fond d’investissement, dont une partie est installée aux îles caïmans. Les équipes de Daniel Dantas se sopnt arrangés pour faire sortir de façon illégale des millions, qui, placées sur ce fond rentrent au Brésil en tant qu’investissement financier étranger, donc défiscalisé. A aucun moment, le magnat ne verse un sou à l’Etat tout en brassant des fortunes. L’emprisonnement de Daniel Dantas a été accueilli par un silence gêné au Congrès, ni l’opposition, ni les députés proches de la coalition n’ont osé commenter sa chute. Le banquier tient une bonne partie de ces députés et sénateurs, et promet de les faire tomber avec lui. Sa terreur était justement d’être interpellé par la Police fédérale, il assure faire son affaire des autres processus éventuellement lancés par de plus hautes instances judiciaires, donc plus politique. Informé par des sources que la police était à ses trousses, il a cherché à corrompre le commissaire en charge de l’opération, en lui versant 400 millions d’euros. Le commissaire a pris les billets, sous les yeux d’une caméra installée avec l’accord d’un juge. Même si Dantas parvient à diluer les autres crimes, celui de corruption de fonctionnaire public lui collera à la peau. Mais le banquier pourra préparer sa défense tranquillement, de son appartement d’Ipanema, avec vue sur la mer. Hier, le président du Tribunal Suprême Fédéral a ordonné sa libération, après s’être indigné de l’« arrestation spectacle » orchestrée par la Police fédérale, qui montrait Daniel Dantas menotté. Le ministre de la justice a défendu la Police, rappelant que jusqu’à nouvel ordre, il n’y a pas de loi qui autorise les menottes pour les pauvres, et les interdisent pour les riches. Quoi qu’il en soit, hier, des dizaines de Brésiliens ont du être emprisonnés pour avoir volé un shampoing, un morceau de viande ou un sac à main. Ils seront jugés dans quelques mois pour les plus chanceux et croupiront en prison en attendant. Daniel Dantas, qui a détourné des centaines de millions de dollars peut toujours s’extasier sur le bel hiver austral de Rio de Janeiro. Attention, tout n’est pas sombre : il y a quelques années, jamais la police fédérale n’aurait pu agir de la sorte. Le Brésil progresse, lentement, mais il progresse.
Billet de blog 10 juillet 2008