Ce devait être une fête : le ministère de la culture brésilienne vient tout juste de dévoiler la liste des 48 auteurs qui représenteront le Brésil au Salon du Livre entre le 20 et le 23 mars. On y trouve du théâtre, de la poésie, de la BD et du roman, des nouveaux-venus et des vétérans, tous traduits en Français déjà. Des écrivains de tous les coins du Brésil, de toutes les ethnies… Mais à tous ces critères élaborés entre Brasilia et Paris, le vénérable Nouvel Observateur (devenu L’Obs), a préféré, pour attirer le lecteur, une photo renvoyant aux clichés les plus vulgaires concernant le pays.
Sous le titre « Salon du Livre 2015 : les 48 auteurs brésiliens invités », on voit trois belles mulâtres, en short ras les fesses et bikini aux couleurs de leurs pays, brandissant un drapeau national, les pieds dans le sable. La légende indique : « Des supporters du Brésil pendant la dernière coupe du monde de football ».
Résumons : il s’agit de littérature, en plein renouveau chez le géant latino-américain, mais on met en avant des femmes presque nues sur la plage et rêvant de football… Pire, remarque le quotidien « O Globo », qui s’est emparé de la polémique, « les pin-up sur la plage ne sont même pas brésiliennes, ce sont des danseuses anglaises qui posaient durant une campagne faite au Brésil ».
Sur son profil Facebook, la traductrice et éditrice française Paulan Anacaona qui publie certains des auteurs invités a été une des première à s’indigner. « Désolée de gâcher la fête qu'a été l'annonce des auteurs invités...Le Nouvel obs publie un article sur les auteurs invités au Salon du livre de Paris - super ! Mais REGARDEZ LA PHOTO qu'ils mettent pour l'illustrer !!!! NON MAIS ON REVE ??!! » Et de conclure : « Ces gens-là ont leurs clichés dans la tête, à croire qu'ils ne changeront jamais.... ».
Au lieu de la traditionnelle polémique sur le caractère représentatif des auteurs présents à Paris, le Salon du Livre, l’article, publié dans un magazine connu et respecté outre-Atlantique a déchaîné les réseaux sociaux sur d’une part l’incapacité des Français à voir le Brésil au-delà du cortège plage-bikini-football- carnaval, et l’urgence d’exporter autre chose. Il faut reconnaître, de ce point de vue, l’échec de la politique culturelle des années Lula et Dilma, qui n’ont jamais investi la culture, ni d’un point de vue financier ni symbolique – avec les conséquences que l’on sait, notamment politiques.
L’ironie est de rigueur – on suggère aux auteurs envisageant de débarquer en bikini à Paris malgré le froid, ou aux Français de tester les robes de French cancan avant d’arriver à Rio de Janeiro – mais l’amertume est sensible. Après tout, ce qui compte, selon l’Obs, c’est que la sélection des auteurs a pour objectif de « refléter la richesse de la production intellectuelle contemporaine du Brésil »….
PS : Pour ceux que le vrai Brésil intéresse, voilà la liste des 48 auteurs : Adauto Novaes, Adriana Lisboa, Adriana Lunardi, Affonso Romano de Sant'Anna, Alberto Mussa, Ana Miranda, Ana Paula Maia, Angela Lago, Bernardo Carvalho, Betty Mindlin, Betty Milan, Bosco Brasil, Carola Saavedra, Cristovão Tezza, Daniel Galera, Daniel Munduruku, Davi Kopenawa, Edney Silvestre, Edyr Augusto, Fabio Moon, Fernanda Torres, Fernando Morais, Férrez, João Carrascoza, Leonardo Boff, Lu Menezes, Luiz Ruffato, Marcelino Freire, Marcello Quitanilla, Maria Conceição Evaristo, Marina Colasanti, Michel Laub, Milton Hatoum, Nélida Piñon, Paloma Vidal, Patrícia Melo, Paulo Coelho, Paulo Lins, Ricardo Aleixo, Rodrigo Ciríaco, Roger Mello, Ronaldo Correia de Brito, S. Lobo, Sérgio Rodrigues, Sérgio Roveri e Tatiana Salem Levy.