Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’Hugo Chavez n’y va pas par quatre chemins. Pour les non-hispanophones, le grand moment (qui commence à 1 :50 minutes) «que se vayan al carajo, yanqui de mierda », se traduit par « Allez vous faire foutre, Yankee de merde ! », et si le message n’est pas assez clair, le président vénézuélien en rajoute : «allez vous faire foutre 100 fois ». Le vocabulaire est-il digne d’un président de la république ? Bien sûr que non, mais la jubilation est intacte : même si beaucoup en Amérique Latine jugent qu’il va trop loin en expulsant de la sorte l’ambassadeur américain, ils ne peuvent s’empêcher d’esquisser un sourire de satisfaction. C’est sans doute difficile à comprendre de Paris, en particulier pour les personnes qui connaissent mal l’histoire du sous-continent, celle de l’Amérique centrale et des Caraïbes, mais avec ses excès, Hugo Chavez paraît comme un exutoire pour des masses qui ont subi pendant plus d’un siècle l’intervention plus ou moins directe des troupes américaines. Hugo Chavez et Evo Morales utilisent certes la menace américaine comme manœuvre de diversion dans des contextes politiques internes compliqués, et leurs positions ne sont pas sans ambiguïtés : le Venezuela n’a jamais autant commercé avec ces Etats-Unis qu’il insulte, et La Paz ne peut pour l’instant se passer de certaines aides américaines, et surtout du traité de commerce qui facilité l’entrée des produits boliviens sur le territoire. Mais sourire de leurs avertissements contre les «conspirations » comme s’il s’agissait de délires gauchistes d’un autre âge (posture préférée des intellectuels européens) démontre l’ignorance de la politique latino-américaine dans l’histoire récente (soutien de Washington au coup d’Etat contre Chavez en avril 2002, appel de l’ambassadeur américain à Paz à ne pas voter pour Evo Morales en 2005) comme plus ancienne. Une ONG américaine a profité du 35ème anniversaire du coup d’Etat contre Salvador Allende, le 11 septembre 1973, (l’autre 11 septembre !) pour publier de nouveaux documents des archives de la Sécurité nationale. Ces transcriptions d’échanges téléphoniques entre le président Richard Nixon, son conseiller Henry Kissinger et d’autres membres de son cabinet montrent que Washington est alors prêt à tout pour éviter à tout prix l’élection de Salvador Allende en 1970. On découvre ainsi que le secrétaire d’Etat William Rogers, conseillait à Kissinger de « prendre une décision de sang froid, et l’exécuter ». Depuis, les Etats-Unis ont-ils vraiment changé ? A vrai dire, la majorité des pays latino-américains ne veulent pas connaître la réponse à la question, ils préfèrent prendre du champ, et ce n’est pas seulement le cas des gouvernements jugés radicaux comme celui d’Hugo Chavez. L’Equateur a fait savoir qu’il ne renouvellerait pas la concession de la base militaire de Manta, en 2009, et le Paraguay a opposé une fin de non-recevoir à tout projet d’installation. Et c’est le Brésil de Lula, estampillé « modéré » qui est le principal avocat d’un conseil de défense régional, sorte d’OTAN sud-américaine donc Washington est explicitement exclu. Et lorsque le Pentagone a discrètement annoncé, en avril dernier, le rétablissement de la « quatrième flotte », pour patrouiller dans les eaux d’Amérique du Sud et des Caraïbes, il a provoqué une flambée d’indignation obligeant les ambassadeurs américains du sous-continent à protester de l’objectif « humanitaire » de leur pays.
Billet de blog 12 septembre 2008
Les Etats-Unis et Chavez : l'histoire a-t-elle vraiment changé ?
Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’Hugo Chavez n’y va pas par quatre chemins.