Après la Bolivie, c’est au tour du Brésil d’afficher sa mauvaise humeur face aux nouveaux plans de l’Union Européenne pour contrer l’immigration. En ligne de mire, les propositions de Nicolas Sarkozy, qui assumera à partir du mois de juillet la présidence de l’UE. Depuis le début de l’année, Brasilia est confronté à une fermeture croissante des frontières européennes à l’égard de ses ressortissants. En Espagne, des dizaines de Brésiliens ont été empêché d’entrer sur le territoire (certains ne faisaient que transiter par Madrid). Pire, ils ont été enfermés dans une salle, sans eau ni nourriture, ni droit de contacter leur famille. Comme par hasard, cette mise en scène a eu lieu dans les deux semaines précédant les élections. José Luis Zapatero a beau être socialiste, il cède aux sirènes de la répression pour lutter contre l’immigration illégale. L’épisode avait poussé Brasilia à rendre son pareil à Madrid, en refusant l’accès aux touristes espagnols qui n’avaient pas strictement rempli les formalités administratives nécessaires pour l’entrée sur le territoire brésilien. Tollé en Espagne : l’Europe peine à comprendre qu’un pays en voie de développement peut leur répondre sur ce ton. On pourrait bientôt assister à une nouvelle détérioration des relations avec le Royaume-Uni, qui projette de faire entrer le Brésil dans la liste d’une douzaine de pays auxquels il compte exiger un visa. Itamaraty, le ministère des affaires étrangères, a déjà répondu qu’il en ferait de même pour les ressortissants britanniques, au nom du principe de réciprocité. Les projets de Nicolas Sarkozy ont poussé le ministre des affaires étrangères Celso Amorim, à protester, la semaine dernière en Slovénie (actuelle présidente de l’UE) contre cette nouvelle politique. Le gouvernement brésilien estime ce durcissement de la loi incompatible avec la décision de Bruxelles de classer le Brésil comme « pays stratégique », un statut que les Européens n’ont donné qu’aux Etats-Unis, à l’Inde, la Russie et la Chine. Le gouvernement estime que cette « association stratégique » implique un meilleur traitement aux frontières, avec notamment le droit à une assistance consulaire. « Personne ne veut défendre l’immigration illégale, nous voulons seulement assurer un traitement adéquat aux Brésiliens », a expliqué l’ambassadeur Ricardo Neiva Tavares, porte-parole d’Itamaraty. Dans les couloirs du Planalto, les hauts fonctionnaires confient être las d’écouter les Européens les interroger sur les dangers du populisme du gauche à propos des gouvernements du Vénézuélien Hugo Chavez, du Bolivien Evo Morales, ou de l’Equatorien Rafael Correa. Pour les Brésiliens, l’Europe qui défend une fermeture des frontières aux hommes et des subventions à l’agriculture est mal placée pour donner des leçons. «A voir les discours de Berlusconi, de Sarkozy et de la grande majorité des chefs de la région, je dirais que la véritable inquiétude, c’est le populisme de droite de l’Europe », me confiait récemment un proche de Lula.
Billet de blog 13 juin 2008