La météo prévoit 26 degrés et un soleil radieux pour ce mardi 15 juin à Rio de Janeiro. Une belle journée de fin d'automne, une chance pour les touristes qui auront le bleu, la mer, sans la chaleur estivale. Mais gare à ceux qui auront projeté un après-midi de shopping ce mardi : à partir de 15 heures locales (20 heures françaises), tout sera fermé : banques, supermarchés, pharmacies, magasins d'habits...
C'est devenu une tradition ici : pour ne priver aucun employé du spectacle de la Coupe, le Brésil s'arrête totalement lorsque la sélection vert-canari entre sur la pelouse, quel que soit l'horaire. Certains matchs auront lieu en fin de matinée, et cela implique un reprise du travail après le déjeuner. La chute de productivité sera beaucoup plus brutale pour les matches de l'après-midi, comme cette rencontre Brésil-Corée du Nord qui commence à 15h30. Beaucoup de patrons préfèrent fermer boutique, plutôt que récupérer des travailleurs rendus un peu trop allègres par des flots de bières ingurgités sur la plage.
C'est un des rares poncifs qui n'en est pas un à propos du Brésil : le football est bien ici une religion. Les villes sont mortes quand l'équipe joue, le sélectionneur a tous les droits et ses choix sont respectés. Depuis quelques semaines, Rio est littéralement repeinte en vert et jaune, les magasins ont abandonné leurs marchandises normales pour se concentrer sur des kits de supporters pour tous les âges : de la grenouillère pour nouveau-né à la canne pour vieillard. Les manucures ont délaissé le traditionnel rouge « désir » et le blanc «lait de coco » pour peindre sur les ongles des miniatures du drapeau brésilien. Les coiffeurs sortent leurs pinceaux pour des mèches jaunes fluorescents, les prudents préfèrent toutefois les perruques de toutes formes vendues sur les trottoirs. Dans les maisons, les salons sont décorés de lampions jaunes et verts, et l'apéro est servi dans une vaisselle de cette même couleur.
Il y a bien sûr quelques récalcitrants, mais ils sont rares, tant il est difficile de résister à cette vague de bonne humeur, à cette certitude de la victoire. Pour les sociologues, les Brésiliens ne pouvaient trouver de sport plus adapté à leur tempérament. Il combine à merveille le collectif et l'esprit individuel, le goût de l'improvisation, l'allégresse et la croyance d'une relation magique entre le joueur et le ballon. C'est aussi le sport qui leur permet d'exalter tous les mythes, en partie faux bien sûr, de la démocratie raciale - regardez la vidéo ci-jointe, mettant en scène un des hymnes de cette coupe, et célébrant le parfait mariage du noir et du blanc. On ne tombe pas dans le panneau mais on adore. Et pour ceux que la politique intéresse, un clin d'œil : Dilma Roussef, qui vient d'être investie ce week-end candidate du Parti des Travailleurs dans la course à la succession de Lula, en octobre prochain, est à Paris ce mardi, elle assistera au match avec la communauté brésilienne.