Dix jours après Hugo Chavez, c'est au tour d'Evo Morales de rompre les relations diplomatiques avec Israël. Le président bolivien vient aussi de déposer une plainte auprès du Tribunal pénal international pour génocide contre les Palestiniens de Gaza. Ces prises de position interviennent quelques jours après que le bras droit de Lula sur les questions internationales, Marco Aurelio Garcia, a condamné le « terrorisme d’Etat d’Israël ». On peut penser que ces prises de positions sont vaines car lointaines et venues de pays dans poids au conseil de sécurité de l’ONU. Michael Warschawski, qui dirige à Jérusalem le Centre d’information alternative (http://alternativenews.org/) pense qu’au contraire, elles ont un poids. : « Personne n’aime être traité de voyou ». Petite interview, par delà les océans, à trois semaines du début des attaques contre Gaza, où le seuil de 1000 morts est dépassé :
Quelle est la perception en Israël de l’invasion de Gaza par l’armée ?
Comment l’invasion est-elle présentée et justifiée aux yeux de la population ?
Plus de 85 % de la population juive d'Israël considère que l'invasion de Gaza est justifiée, que c'est un acte d'auto-défense face a la menace que représente le Hamas et aux roquettes qui tombent sur les villes du sud d'Israël. La "retenue" du gouvernement israélien, qui, pendant de nombreux mois, s'est abstenu de riposter aux missiles Qassama encore renforce le soutien populaire aux frappes puis a l'invasion. Ceci dit, il existe une crainte que l'offensive terrestre se développe en enlisement (comme au Liban) et la population espère un retrait aussi rapide que possible. Par contre, pour la minorité palestinienne d'Israël l'horreur du massacre de Gaza va les éloigner encore d'avantage des travaillistes
Quelle est la réaction de la population à des attaques comme celle de l’école de l’ONU ?
Contrairement à des situations analogues dans le passé – le bombardement de Canna, par exemple – la population et les médias ont très peu réagi au massacre de l'école de l'ONU. Il y a d'une part un véritable phénomène d'accoutumance a l'horreur, aux massacres et de l'autre, un embrigadement des medias comme on n'en avait pas connu depuis longtemps.
A quelques semaines des élections, quel impact faut-il s’attendre à voir sur les électeurs israéliens ?
Effectivement, une des dimensions les plus abjectes de cette guerre c'est qu'elle sert aux dirigeants politiques comme moyen de gagner des voix, en particulier pour Ehoud Barak. Pourtant dans cette concurrence électorale a qui sera le plus détermine dans la brutalité, c'est, à mon avis Netanyahou qui ramassera la mise: même Barak ne peut le dépasser dans le discours de la violence.
La diabolisation du Hamas vous paraît-elle justifiée ?
En aucun cas. Le Hamas est a la fois un mouvement de libération nationale et l'expression démocratique de la majorité des Palestiniens a Gaza et en Cisjordanie. Pour chacune de ces deux raisons il doit être reconnu, y compris par la communauté internationale.
La gauche israélienne parvient-elle à se détacher et à condamner les actes de barbarie. Plus généralement, existe-t-il encore une gauche israélienne ?
La gauche institutionnelle, le Parti Meretz et ce qui reste de la Paix Maintenant, s'est une de fois de plus rallié a la guerre. Ce n'est qu'après deux semaines qu'ils appellent a manifester sous le slogan MAINTENANT il est temps d'arrêter. Ce "maintenant" est le cœur de la politique de la gauche sioniste et explique son déclin persistant, car si c'est pour faire la politique de la droite, autant soutenir l'original et pas la copie.
De quelle façon s’exprime la protestation des adversaires de cette politique en Israël ?
La minorité qui s'est opposée des le premier jour a l'agression est mobilisée en permanence. Pas de jour qui se passe sans manifestation ou rassemblement, dans les grandes villes, auxquelles il faut ajouter la mobilisation massive de la minorité arabe en Israël (50,000 personnes à Sakhnin en Galilée la semaine dernière). Le point d'orgue des mobilisations anti-guerre a été la manifestation de Tel Aviv samedi dernier, avec 6 à 7,000 manifestants.
Les journalistes étrangers se plaignent de ne pas avoir accès à Gaza. S’agit-il d’une politique délibérée de contrôle de l’information ?
Il ne fait aucun doute que l'armée n'est pas intéressée a ce que l'on regarde de trop près ses méfaits criminels a Gaza, et utilise la censure et surtout l'interdiction d'entrer a Gaza pour limiter la couverture médiatique. Mais c'est peine perdue: il y a suffisamment de journalistes étrangers et palestiniens a Gaza pour nous informer en permanence. Personne ne pourra dire "je ne savais pas".
Certains proposent de boycotter les produits issus d’Israël. Que pensez-vous de cette proposition et son efficacité ?
Toute campagne qui appelle a des sanctions contre l'Etat d'Israël et tout ce qui le représente parce qu'ils violent le droit international et commettent ou cautionnent des crimes de guerre est positive. Le boycott est une des expressions de ces sanctions indispensables, ne serait-ce que sur le plan éthique et donc indépendamment de son efficacité ou non. Ceci dit – certaines formes de boycott sont efficaces, en particulier le boycott universitaire et culturel qui touche des couches sensibles de la société israélienne.
Attendez-vous de grands changements de politique avec l’arrivée d’Obama aux Etats-Unis ?
A court terme la politique états-unienne au Proche Orient ne va pas changer, certainement pas le cadre stratégique de l'alliance entre les USA et Israël. A plus long terme, et vu son fiasco global, la nouvelle administration américaine va entreprendre un tournant et remplacer la stratégie néoconservatrice de guerre globale permanente et préventive par une diplomatie plus sophistiquée et moins guerrière, ce qui aura un impact sur le Moyen Orient et la politique israélienne de guerre permanente. Mais pas tout de suite.
Au Brésil, le gouvernement du Président Lula a condamné le « terrorisme d’Etat » d’Israël, alors que le Venezuela et la Bolivie ont renvoyé l’ambassadeur israélien. Pensez-vous que les prises de position de pays aussi lointains ont un impact ?
Toute prise de position critique envers la politique israélienne, certainement quand elle vient d'une puissance comme le Brésil, a son impact sur la classe politique israélienne, même si souvent c'est un impact différé. Contrairement à ce que laisse entendre le discours public fanfaron des dirigeants politiques et des medias, Israël est extrêmement sensible aux déclarations des composantes de la communauté internationale. Personne n'aime être traite de voyou par les autres.