Tout le monde le sait : il n’y a pas de racisme au Brésil. Posez la question à tous les Brésiliens autour de vous, la majorité des personnes répondra que les préjugés raciaux ne font pas partie de la culture brésilien. De fait, contrairement à l’Afrique du sud, la ségrégation prend au Brésil des allures subtiles, sans violence apparente. N’est-il pas le pays du métissage ? Etabli au début du siècle par des intellectuels, le mythe de la fusion des trois races (indienne, blanche, et noire) en un être à part, le Brésilien, a été adopté par l’élite qui y a vu un moyen de dompter toute revendication. Tout comme les archives du trafic d’esclave ont été brulées le lendemain de l’abolition de l’esclavage en 1888 (le Brésil est un des derniers pays du monde à avoir l’avoir adopté), la société brésilienne a voulu oublier cet épisode de son histoire, long de 350 ans. Pourtant 120 après l’abolution, la discrimination raciale est toujours en vigueur. L’Ipea (Institut public de recherches économiques) vient de publier une étude sur les revenus. Conclusion : le revenu moyen d’un Noir est toujours moitié moins élevé que celui d’un Blanc. Il y a une légère amélioration depuis 2001, quand les premiers programmes de transfert de revenus ont commencé à être mis en place, puis accélérés sous le gouvernement Lula, avec notamment Bolsa Familia. Mais même si ce rythme se maintenait, ce qui est peu probable, les économistes de l'Ipea ont calculé que l’égalité n’arriverait pas avant 2029. Confinés aux métiers les plus dévalorisés – tâches domestiques, agriculture, construction civile – les Afro-Brésiliens travaillent le plus souvent dans le secteur informel, ce qui les prive de couverture sociale et de pension de retraite. Ils sont également moins bien dotés en arrivant sur le marché du travail, du fait de leur éducation. Le taux d’analphabétisme dans la population noire est le double de celle chez les blancs. Même si, là encore, il y a une nette amélioration : en 1997, le rapport était de un à trois, rappelle l'Ipea. Il a fallu attendre 2003 pour qu’un Président de la République reconnaisse l’ampleur du racisme. Lors d’un voyage au Bénin, Lula a tenu à souligner la dette de son pays par rapport aux Africains. Il a essayé de lancer plusieurs programmes de discrimination positive dans les universités, en se heurtant à d’importantes résistances. Il a créé le premier secrétariat pour la Promotion de l’égalité raciale, avec le statut de ministère, et a nommé le premier juge noir au Tribunal Suprême fédéral. On murmure qu’il devrait même en nommer un autre au Tribunal Suprême militaire, une révolution. Pour réduire plus encore les écarts, les gestes symboliques sont importants, mais ce n’est pas assez. Il reste deux ans à Lula et une popularité hors norme pour essayer de forcer l’histoire, en tablant notamment sur une réforme fiscale et l’éducation publique, la seule accessible aux plus pauvres, qui sont en majorité noirs.
Billet de blog 16 octobre 2008
Au Brésil, un noir vaut toujours la moitié d’un blanc
Tout le monde le sait : il n’y a pas de racisme au Brésil. Posez la question à tous les Brésiliens autour de vous, la majorité des personnes répondra que les préjugés raciaux ne font pas partie de la culture brésilien.