Fin 2008, le président Lula assurait à ses compatriotes que le tsunami économique qui dévastait l’Europe et les Etats-Unis n’arriverait que sous forme de vaguelette au Brésil. Il s’est trompé.
L’impact de la crise est beaucoup plus profond, comme le démontrent les dernières statistiques : un plongeon de 3,6% du produit intérieur brut brésilien au quatrième trimestre par rapport aux trois mois précédents. Du jamais vu depuis 1996. Mais c’est à la bourse, où l’argent semblait si facile ces dernières années que la crise arrive avec violence, avec une conséquence inespérée : les brokers et autres spéculateurs ne font plus l’amour. L’hebdomadaire Época a même dédié à la question une enquête intitulée : «Chegou a cama », comprenez, elle est arrivée au lit, sous-entendue, la crise. Les professionnels des marchés financiers passent la nuit à scruter les bourses du monde entier, et à s’angoisser sur l’ouverture de la Bovespa, la place financière de Sao Paulo. Ils boivent et fument plus que de coutume, et arrivent au lit sans le moindre appétit sexuel. Femmes et hommes en souffrent également, mais l’érection fait la différence, expliquent les spécialistes à Época. Dans un pays toujours considérablement macho, la panne passe mal : la vente de remède contre les disfonctionnements de l’érection a augmenté de 5,4% en 2008 par rapport à l’année précédente.
La crise souligne à quel point la sexualité est aujourd’hui liée au monde du travail. Dans une récente étude dédiée à la sexualité des Brésiliens (intitulée « Mosaico Brasil »), des spécialistes soulignent que la satisfaction dépend en grande partie de l’emploi. Les chômeurs âgés de 26 à 40 ans, sont plus nombreux à se déclarer insatisfaits de leur érection que ceux qui ont un emploi (57% contre 48%). «dans l’imaginaire masculin, l’incapacité de gagner de l’argent est lié à l’incapacité sexuelle », résume le psychologues Jacob Goldberg. « Dans le passé, le pouvoir sexuel était lié à la force physique, maintenant, il est lié au pouvoir financier », conclut-il.
Le phénomène est toutefois nettement plus sensible aux Etats-Unis, où les « veuves » de Wall Street, femmes des spéculateurs de tout bord, ont commencé à se réunir dans une association créée l’année dernière, Dating a Banker anonymous (http://www.dabagirls.com/) avec un blog, pour pouvoir épancher ses peines qu’il s’agisse de frustration sexuelle, ou de la perte des voyages en business class. Ce groupe de femmes organise même des sorties dans des bars pour noyer la tristesse de la crise.