Au moins neuf morts, et six blessés. C’est le résultat du supposé « affrontement » entre police et narcotrafiquants ce 16 avril à Vila Cruzeiro, une favela de Rio de Janeiro. La police, heureusement, ne déplore aucune victime, ni aucun blessé. Il n’y a aucun moyen de vérifier si les morts étaient véritablement des narcotrafiquants, comme le prétend la police, ou des malheureus habitants de la favela qui ont eu le mauvais goût de mettre le nez dehors à la mauvaise heure. Ou pire encore, des victimes d’une balle perdue, un fait banal quand on se souvient que la police tire avec des fusils : les balles traversent facilement trois à quatre maisons. Et si c’était des narcotrafiquants ? Rien ne prouve qu’il s’agisse d’affrontement. La police de Rio de Janeiro a démontré sa capacité à maquiller en affrontement des exécutions. Le maquillage n’est pas très élaboré : quand un procureur se fait en tête de regarder de près les corps, il découvre que la victime a reçu sept à huit balles, en provenance d’autant de fusils – les policiers tirent ensemble pour ainsi être tous tenus par un pacte de silence. Toutes les balles sont localisées dans des endroits stratégiques (nuque, coeur, tempe), alors que la statistique voudrait que lors d’un affrontement, certains se logent dans des endroits plus anodins. Et pour éviter que les traces de poudre sur les vêtements soient détectés – c’est la preuve d’un tir effectué à quelques centimètres, typique d’une exécution – les victimes sont dénudées, déplacées. Bien sûr, il est inutile de lancer une investigation : toutes les preuves dont détruites. Les exécutions sont-elles systématiques ?Non, bien sûr, et il est trop tôt pour savoir ce qu’il en est aujourd’hui. On ne le saura probablement jamais, les familles renoncent à porter plainte, par crainte de représailles de la police, et parce qu’elles savent que la justice ne les écoutera pas. Les exécutions ne sont pas systématiques, mais tout porte à croire qu’elles ont fortement augmenté. La police a reconnu officiellement 1330 morts lors d’ «affrontement ». C’est 25% de plus que l’année précédente. Et cinq fois plus qu’il y a dix ans. Les bandits continuent à mourir beaucoup plus que la police : quarante pour un. Il ne s’agit pas de faire l’apologie des narcotrafiquants, qui sèment la terreur dans les favelas. Mais en agissant de la sorte, la police, et derrière elle le gouvernement de Rio de Janeiro, continued’approfondir la défiance de favelas à leur égard. Que des bandits soient déviants, c’est dans l’ordre des choses, que la police institue la loi de la jungle est inacceptable. Ces opérations pourraient faire échouer un autre programme, celui-ci louable, du gouvernement fédéral. Pour la première fois, Brasilia a décidé des sommes énormes dans l’amélioration (ou la mise en place) d’infrastructures dans les favelas, au nom du PAC , le Pacte d’Accélération de la Croissance. En privé, les policiers avouent qu’ils comptent en profiter pour « nettoyer » les favelas. A ce prix là, les plus pauvres pourraient être tentés de se passer des écoles, hôpitaux et installations sanitaires qui leur font tant défaut.
Billet de blog 17 avril 2008
Les "affrontements" de la police de Rio de Janeiro
Au moins neuf morts, et six blessés. C’est le résultat du supposé « affrontement » entre police et narcotrafiquants ce 16 avril à Vila Cruzeiro, une favela de Rio de Janeiro.