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Billet de blog 17 août 2010

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Au Brésil, Internet est pris d’assaut par les «Dilma boys» contre les «Serra boys»

La campagne électorale bat son plein, pour la succession de Lula, le 3 octobre 2010.

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La campagne électorale bat son plein, pour la succession de Lula, le 3 octobre 2010. Dans la rue, des jeunes gens distribuent des tracts ou agitent des drapeaux – le collage d’affiche, qui défigure les villes, est interdit. Les gestes mous en disent long sur la pauvreté des convictions : s’ils sont là, c’est parce qu’on les paye 20,25 reais (un peu moins de dix euros) par journée. Ils n’ont aucun problème, le jour suivant, pour battre le pavé pour le camp d’en face. Où sont les militants ?

C’est la grande nouveauté de 2010. La militance, endormie par le manque de politisation de la société, et le paternalisme de Lula – le Brésil change, mais de révolution, il n’est plus question – semble retrouver une nouvelle jeunesse sur internet. Il y a à peine quatre ans, quand Lula emportait son second mandat, seuls 25% des Brésiliens avaient accès à la toile. Depuis, grâce à l’entrée dans la consommation des classes populaires, la proportion a doublé : elle atteint désormais 52%. Mieux, le Brésil est aujourd’hui considéré comme le pays le plus actif du monde sur les fameux « réseaux sociaux », comprenez Facebook, Orkut, Youtube et Twitter. Selon l’institut de sondage Datafolha, si la télévision reste de loin la première source d’information sur les élections, Internet s’est consolidé en seconde position auprès des jeunes et des « formateurs d’opinion ».

Dans chaque camp, ils sont désormais des centaines à mettre leurs sites, blogs, et réseaux au service de leur candidat/e. De l’or pour les chefs de campagne qui gardent tous à l’esprit le miracle Obama – les plus lucides reconnaissent toutefois qu’à l’origine du miracle, il y a d’abord le charisme du premier président noir des Etats-Unis. Cette année, plus de Lula, mais une pâle Dilma Roussef et un ennuyeux José Serra. Suivre leur débat tient véritablement de l’héroïsme, tant on bataille contre le sommeil… Tous les coups sont permis, Internet étant le moyen privilégié de la calomnie et du mensonge, ou tout simplement, la révélation d’une gaffe commise dans un obscur village brésilien. Mais c’est aussi la scène de l’humour. L’un des plus grands succès, ces dernières semaines, est la chanson de Paulo Reis, un jeune étudiant en publicité, qui a mis en ligne un détournement de la chanson « Telephone » de Lady Gaga, en hommage à Dilma, la candidate de Lula. Pour les lusophones, la version est à hurler de rire, tout d’abord du fait du rapprochement de la très coincée femme politique avec l’extravagante chanteuse, et du fait des paroles : on y apprend notamment que Dilma est la nouvelle Eva Peron…Plus de 230 000 personnes l’ont déjà téléchargée. En face, un groupe d’humoristes, a turma do chapeu (littéralement la bande à chapeau), vient de mettre en ligne une riposte en faveur de José Serra. Cela s’appelle « o Serra countdown », un détournement de la chanson « it’s the final countdown » du groupe Europe, dans les années 1980. http://www.youtube.com/watch?v=bGpRWxSQNro

On ne connaît pas encore l’impact de ce type de campagne, au-delà du fou rire. En tout cas, il amène les candidats dans des milieux normalement peu intéressés par la politique, et qui votent toutefois, puisqu’au Brésil, c’est obligatoire.