Il a suffit de quelques heures. La nuit du 11 au 12 janvier, des trombes d’eau se sont abattues sur la région montagneuse de Rio de Janeiro. Ces hauteurs abritent Petropolis, Teresopolis, et Nova Friburgo, d’adorables petites villes très prisées depuis le XIXème durant l’été austral. La famille impériale s’y installait pour fuir les grosses chaleurs de Rio de Janeiro, et les épidémies de fièvre jaune conséquentes. En quelques heures, le paysage paradisiaque a tourné au film d’horreur. Des centaines de tonnes de boue et de roches charriées par les pluies ont enterré des villages entiers, et jusqu’au centre historiques de ces municipalités. Les routes n’existent plus, le cours des fleuves a été bousculé. Les images, filmées d’hélicoptère – beaucoup de régions restent toujours inaccessibles – suggèrent un bombardement. On compte plus de 680 morts. C’est déjà le pire bilan suite à une catastrophe naturelle de l’histoire du Brésil. Et la liste des disparus, plus de 300, laisse prévoir une conclusion plus sinistre encore.
Une semaine après le drame, les leçons sont désespérément toujours les même. D’abord le changement climatique est une réalité. Il a toujours plu durant l’été austral, et beaucoup. Mais jamais dans ces proportions. Ces dernières années, le phénomène est de plus en plus marqué. On craint le pire pour l’année prochaine et les suivantes. L’inconséquence des pouvoirs publics ensuite. Le Brésil a fait un bond ces dernières années, il s’est considérablement amélioré. Au point d’en oublier à quel point les poches de tiers et quart-monde subsistent. Inconséquence des maires qui ont fermé les yeux sur la construction de milliers de maisons à flanc de montagne, qu’il s’agisse de misérables masures ou d’hôtels de luxe. Pour gagner une élection, tout est permis. Et les successeurs entérinent et poursuivent cette politique. Inconséquence de l’absence d’une vraie politique de logements sociaux, car c’est souvent en désespoir de cause que des familles s’installent dans ces zones dangereuses. Inconséquence d’un système de prévention inefficace : les météorologues ont détecté l’arrivée de quantités anormales de pluies, mais l’alerte n’a pas été relayée. Quand elle l’a été, elle a buté sur les limites du pouvoir de la défense civile : capable de demander aux familles d’évacuer, mais sans le pouvoir de police de les y obliger. Beaucoup ont préféré nier le risque, par peur de voir leurs maisons pillées. Inconséquence, ensuite, dans la rapidité des secours : l’armée est intervenue, mais trop tard, dépendant de tout un circuit bureaucratique absurde. Dans cette tragédie, on peut toutefois souligner la bonne réponse de Dilma Rousseff, qui malgré son peu de goût pour les sorties sur le terrain, s’est rendue sur les lieux de la tragédie dès le lendemain. Une communication nécessaire, quand on se rappelle que la nouvelle chef d’Etat reste une inconnue pour l’essentiel de la population, et une façon d’affirmer les responsabilités de l’Etat fédéral, même si les défaillances relevaient d’abord de l’Etat de Rio de Janeiro et des mairies. Surtout, on reste bouche bée, émue, devant l’élan de solidarité. Des centaines de tonnes d’aliments et de produits de première nécessité sont déjà arrivées sur place, récoltées auprès d’illustres inconnus des quatre coins du pays. Et des milliers de Brésiliens ont mis leur vacances (ici, janvier équivaut à août en France) entre parenthèse pour aider à trier ces donations, faire des cartons, les acheminer sur place, les distribuer, coordonner, cuisiner. En espérant que cette fois-ci, les images d’horreur obligeront les pouvoirs publics à plus de responsabilité.