Que l’opposition bolivienne se le dise : les deux présidents qui donnent aujourd’hui le ton en Amérique Latine, le Brésilien Lula et le Vénézuélien Chavez n’ont pas l’intention de laisser tomber leur collègue Evo Morales. Ils viennent tous deux d’afficher leur soutien au président bolivien, qui a remis son mandat en jeu, à travers un référendum révocatoire, prévu pour le 10 août prochain. Mieux, ils l’ont fait ensemble : les trois chefs d’Etat se sont retrouvés à Riberalta, une ville bolivienne à la frontière du Brésil pour un sommet régional. Les poitrines ornées de colliers de fleurs blanches, à la mode indienne, Lula et Chavez ont annoncé qu’ils concédaient un crédit de 530 millions de dollars à la Bolivie pour la construction d’une importante autoroute qui liera le Brésil à La Paz. Ce n’est pas humanitaire, en particulier de la part du Brésil, qui pourra ainsi mieux vendre ses marchandises à la Bolivie. Mais c’est surtout politique. Lula et Chavez ont fait l’éloge de Morales, et de son travail en faveur des plus pauvres. Avec ce prêt, ils soulignent que les deux puissances sont avec la Bolivie de Morales, pas nécessairement avec celle de l’opposition qui rêve de le faire tomber.
Hormis l’importance pour la Bolivie, cette réunion souligne deux éléments capitaux : en choisissant de porter secours à Evo Morales ensemble, Lula et Chavez veulent clairement faire taire tous ceux qui les opposent, et mettent en avant « deux gauche », deux conceptions différentes de la démocratie, et de l’intégration latinoaméricaine. Cela n’empeche pas de noter que depuis deux mois environs, Chavez est particulièrement modéré, ayant abandonné ses envolées radicales, alors que Lula fait des clins d’oeil à la gauche latino-américaine. Il l’a fait en critiquant les Etats-Unis, ou encore, la semaine dernière, au Viet-nam, en faisant l’éloge de la résistance du vieux général Vo Nguyen Giap Giap, l’architecte des victoires militaires contre les Américains, qualifié par Lula de « forts, nourris aux hamburgers » contre les viet-namiens, chétifs et faibles. En sommes, Lula et Chavez tiennent à leur place de leader en Amérique Latine, mais ils tiennent avant tout à ce que cela ne se fasse pas aux dépens de leur relation, ce dont rêve Washington.