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Billet de blog 23 février 2011

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Plus de 6000 immigrés enlevés au Mexique en six mois

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On a eu Ingrid Bétancourt avec la Colombie, on a Florence Cassez avec le Mexique, deux drames certes différents, dans lesquels le rôle de chacune n’est pas encore clair, mais qui ont en commun l’incapacité de la diplomatie française à articuler une position sans provoque de crise politique. Dans les deux cas, la relation avec les pays n’a plus été vue par Paris qu’à travers le prisme de ces deux femmes. Pas un homme politique ne pouvait envisager d’évoquer Bogota sans parler d’Ingrid Bétancourt, au mépris des 40 autres millions de Colombiens. Un Quai d’Orsay obnubilé par l’affaire, au point d’envoyer une bande de barbouzes tenter de la libérer en faisant une escale secrète à Manaus au Brésil… sans juger bon de prévenir les autorités brésiliennes. Et une irritation croissante en Amérique Latine : la France a-t-elle d’autres centres d’intérêts que cette otage me demandait-on ? Avec Florence Cassez, on recommence. De la culpabilité ou non de la jeune femme, on ne sait pas grand-chose. Que son jugement ait été un cirque et son arrestation une mascarade, on veut bien le croire. Mais on a une certitude : l’attitude à la Zorro est arrivé de Nicolas Sarkozy est exactement celle qui condamne la jeune femme à l’acharnement des autorités. Car derrière la légitime inquiétude des siens, transpire le mépris des autorités pour une justice mexicaine par définition incompétente. Comme si les abus de pouvoir de policiers et les erreurs judiciaires n’existaient pas au sein de l’hexagone. C’est la même attitude de l’Italie qui horripile le Brésil en ce qui concerne l’extradition de Cesare Battisti. La souveraineté d’un pays ne se discute pas, en tous cas, pas par télévisions interposées et en baptisant l’année du Mexique en France du nom de Florence Cassez.

En attendant, ce boucan chasse de la presse les autres tragédies, qui mériteraient qu’on fasse beaucoup plus pression sur le Mexique. Vous souvenez-vous du charnier retrouvé en août dernier avec 72 corps d’immigrés exécutés, après avoir été enlevés, dans l’Etat de Tamaulipas ? Le cas est loin d’être isolé. Selon la Commission Nationale des Droits de l’Homme, une organisation mexicaine, quelques 11 333 immigrés, en majorité centre-américains, ont été séquestrés entre avril et septembre 2010. Les victimes, qui se dirigeants vers les Etats-Unis où ils cherchaient à entrer illégalement, n’ont pas été exécutées, mais elles sont été l’objet « d’extorsion, discrimination, exploration, et d’abus physique et sexuel », selon le rapport, cité aujourd’hui par le quotidien mexicain La Jornada.

Le président de la CNDH, Raúl Plascencia, a dénoncé l’absence d’efforts des Etats concernés, notamment Veracruz (est), Tabasco (sud-est), Tamaulipas (nord-est), San Luis Potosi (nord) et Chiapas (sud). Quelques 44% des victimes viennent du Honduras, suivies par les Salvadoriens (16%), les Guatémaltèques (11%), les Mexicains (10%) et les Cubains (5%). Ce n’est pas la première fois que la négligence du gouvernement fédéral est pointée. L’année dernière, Amnistie internationale avait déjà sonné l’alarme.