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Billet de blog 23 novembre 2008

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Les cent jours de Fernando Lugo à la tête du Paraguay

Le vent de l’espérance continue de souffler au Paraguay. Ce dimanche, l’ancien évêque Fernando Lugo fête ses cent premiers jours au pouvoir, dans une atmosphère d’optimisme persistant et de rêve de changement. Lugo a promis de changer radicalement le quotidien des plus pauvres dans un des pays les plus inégaux d’Amérique Latine.

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Le vent de l’espérance continue de souffler au Paraguay. Ce dimanche, l’ancien évêque Fernando Lugo fête ses cent premiers jours au pouvoir, dans une atmosphère d’optimisme persistant et de rêve de changement. Lugo a promis de changer radicalement le quotidien des plus pauvres dans un des pays les plus inégaux d’Amérique Latine. Mais empêché par sa propre majorité (son vice-président, du parti libéral, n’a rien d’un révolutionnaire et représente les intérêts d’une partie du patronat), il n’a fait que des réformes timides. Il a décrété que l’accès aux hôpitaux devait être gratuit, une mesure qui commence à être mise en place et s’attaque symboliquement à la corruption endémique en lançant une investigation sur la direction paraguayenne d’Itaipu, le barrage d’électricité situé sur la frontière avec le Brésil. La réforme agraire, annoncée mais toujours non concrétisée a surtout pour effet de provoquer l’agitation de ses adversaires, les grands propriétaires terriens, et l’impatience des paysans sans terre. Il faut dire que les marges de manœuvre sont très faibles. Quelques jours après son arrivée au pouvoir, un complot de militaires, en réunion avec ses adversaires politiques marquait la menace. Il l’a habilement déjoué en rendant publiques toutes ces informations. Le voisin brésilien ne fait pas plus montre de complaisance à son égard. Le gouvernement de Lula continue de refuser toute renégociation du prix de l’électricité d’Itaipu – les deux pays se partagent théoriquement en deux la production du barrage, mais sans industrie ou incapable d’acheminer cette électricité dans l’intérieur du pays, le Paraguay la vend au Brésil, à un prix très inférieur aux normes internationales. Ces derniers jours, les militaires brésiliens ont multiplié les exercices à la frontière avec le Paraguay, laissant comprendre qu’ils étaient prêts à franchir le pas si Lugo prenait une décision radicale concernant Itaipu. Ils prétendent aussi défendre les ressortissants brésiliens qui cultivent des terres au Paraguay, parfois sans titre de propriété légal. Ces « brasiguais », comme on les appelle pour signifier leur double appartenance, sont les premières cibles des mouvements sans terre, entre volonté de revanche et nationalisme. La guerre du Paraguay a beau dater de 140 ans, personne ne peut l’oublier dans ce petit pays sans accès à la mer. A l’époque, la « triple alliance », formée par l’Argentine, le Brésil et l’Uruguay, avait déclaré à guerre à Asuncion. Les combats ont tourné au génocide. Les deux tiers de la population paraguayenne ont été décimés. Sur les 194 000 survivants, on ne compte que 14 000 hommes. Le pays ne s'en est jamais remis.

Fernando Lugo a opté pour une politique de petits pas, il jouit pourtant d’une popularité telle qu’il aurait la possibilité d’imposer à l’oligarchie et aux voisins de vrais changement. En publiant, la semaine dernière son rapport annuel sur l’Amérique Latine, l’institut de sondages Latinobarometro a créé la surprise en soulignant l’ampleur des attentes des Paraguayens. Des 18 pays interrogés, ce sont ceux qui disent avoir le plus « d’espérance pour l’année à venir » : 83% de la population. Ils sont 86% à juger positivement l’action de leur chef d’Etat. Après sept décennies de dictature ou d’élections volées, les Paraguayens croient de nouveau au pouvoir des urnes : ils sont 71% à estimer que le vote est la meilleure façon de changer les choses. Mais l’urgence est également soulignée par l’enquête : des 18 pays de la région, le Paraguay est celui qui s’accommoderait le plus facilement d’un gouvernement autoritaire : 69% de la population déclare «ne pas considérer important qu’un gouvernement soit démocratique ou non, pourvu qu’il résolve les problèmes économiques ». Dans la Bolivie voisine, l’exigence est nettement plus importante : seuls 39% des Boliviens acceptent cette assertion.