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Billet de blog 24 septembre 2008

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Au Brésil, on a du pétrole, de l'éthanol, et 14 millions d'analphabètes

 L’économie va mieux, on crée des emplois, on consomme… Mais contrairement à ce qu’a déclaré il y a deux ans le ministre de l’économie brésilien Guido Mantega, ce n’est en créant plus de consommateurs qu’on fait des citoyens.

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L’économie va mieux, on crée des emplois, on consomme… Mais contrairement à ce qu’a déclaré il y a deux ans le ministre de l’économie brésilien Guido Mantega, ce n’est en créant plus de consommateurs qu’on fait des citoyens. Pire, ce n’est pas parce que les statistiques indiquent une hausse constante du revenu moyen, qu’il faut claironner que le Brésil est un pays de classe moyenne. Les frayeurs provoquées en début d’années par l’augmentation brutale des prix des produits alimentaires l’ont bien montré. Cette « nouvelle classe moyenne » est fragile, tant que ce qualificatif ne dépend que du taux de croissance. Les études des économistes dans le monde entier l’ont montré, c’est l’éducation qui fait la différence, et non la découverte du pétrole ou l’engouement pour l’éthanol. Et là, le Brésil reste pratiquement la lanterne rouge d’Amérique du Sud. Bien sûr, il y a un léger mieux : le taux d’analphabétisme a reculé, notamment grâce à l’allocation Bolsa Familia, donnée aux plus pauvres en échange de la scolarisation des enfants. En 2006, le pays comptait 10,4% d’analphabètes parmi les personnes âgées de 15 ans ou plus, aujourd’hui, 10%. Cela fait tout de même 14 millions de personnes. Et la comparaison par rapport aux voisins n’est pas flatteuse : 0,2% à Cuba (autant dire que l’analphabétisme est totalement éradiqué), 2% en Uruguay, 2,4% en Argentine, 9,7% en Bolivie, et c’est pourtant le pays le plus pauvre du sous-continent. Dans la région, seuls les pays d’Amérique centrale (Salvador, Nicaragua, Guatemala et Haïti) font pire que le Brésil. Le tableau est plus inquiétant encore si on considère l’analphabétisme dit « fonctionnel », qui concerne les personnes ayant étudié moins de quatre ans à l’école : 21,6% des Brésiliens, avec un pic dans le Nordeste : 33,5% ! Les chiffres parmi les plus jeunes laissent espérer une amélioration dans les prochaines années. Mais si le Brésil s’est attaqué à la question de la quantité, la qualité est toujours catastrophique, en particulier dans les écoles publiques des régions les plus pauvres. Les professeurs sont sous-payés –il vaut mieux être domestique qu’instituteur – les classes surchargées, le matériel inexistant. Bolsa Familia a contraint beaucoup de parents à ramener leurs enfants à l’école, c’est bien. Mais il ne faut pas oublier que c’est un programme de transfert des revenus, pas d’amélioration de l’éducation. Six ans après l’arrivée de Lula au pouvoir, on attend encore cette révolution.