Il y a tout juste un an, le 23 mai 2008, douze chefs d’Etat d’Amérique latine se réunissaient à Brasilia pour écrire une nouvelle page de l’intégration latino-américaine, en créant l’Unasur, l’Union des nations d’Amérique du Sud. De Caracas à Brasilia en passant pas Santiago et Quito, on ne cache pas que le modèle est celui de l’Union Européenne. Le traité veut « construit une identité et une citoyenneté sud-américaine » et développer un espace régional intégré sur le plan politique, économique, sociale, culturelle, environnementale et énergétique. Comme dans l’Europe des origines, qui s’est construit sur le charbon et l’acier, l’énergie est au centre des préoccupations. On le comprend : la région est une des sources mondiales de pétrole, de gaz, de minerais, mais aussi de produits alimentaires.
Un an plus tard quel bilan ? On peut d’abord se féliciter d’un projet qui a enterré définitivement l’Alca, le grand projet de libre-échange voulu par les Etats-Unis de l’Alaska à l’Argentine, sur le modèle de l’Alena, le bloc économique qui unit le Mexique, les Etats-Unis et le canada. Quinze ans après sa naissance, l’Alena est en pleine crise, et ne sert plus de modèle. L’agriculture mexicaine est dévastée, l’extrême dépendance par rapport aux Etats-Unis a plongé le pays dans une récession profonde, les Mexicains quittent leurs pays par millions, pour être reçus de l’autre côté par une politique d’immigration de plus en plus sécuritaire. En affirmant son caractère politique, au-delà des considérations commerciales, l’Unasur prend acte de l’échec de l’intégration par le seul libéralisme.
La crise économique n’a pas épargné le processus d’intégration. Alors que l’Unasur avait listé plus de 500 projets dans le champ des infrastructures (transport, énergie et communication) afin de rapprocher des pays, créer de l’emploi, et améliorer la compétitivité globale de la région, la majorité est aujourd’hui dans les limbes, faute de croissance économiques, de devises et de crédit. C’est notamment le cas du gigantesque projet de gazoduc allant du Venezuela à l’Argentine, pour un coût de plus de 20 milliards de dollars.
L’Unasur souffre, comme le Mercosur (l’alliance qui réunit Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay et bientôt le Venezuela) souffre aussi de mécanisme de décisions faibles. La vieille règle du consensus (au lieu de la majorité) freine la prise de décision, tout comme l’absence de véritables compétences supranationales. On reste toujours sur l sensation que les Etat ne sont pas encore prêts à sacrifier une partie de leurs intérêts au nom de l’unité sud-américaine.
A cela il faut ajouter les querelles de personnes ou de l’histoire. L’ex-président Nestor Kirchner était pressenti pour devenir le secrétaire général de l’Unasur, l’Uruguay a mis son véto, pour manifester son mécontentement à l’encontre de Buenos aires, qui bloque sa frontière depuis plus de deux ans en représailles contre l’installation d’usines à papier. La Bolivie n’a pas de relations diplomatiques avec le Chili, guerre du Pacifique oblige. Les tensions entre le Venezuela et la Colombie, mais surtout entre cette dernière et l’Equateur.
Mais c’est justement sur ces conflits que l’Unasur s’est avérée utile. L’escalade des mots entre le colombien Uribe et l’équatorien Correa, début 2008, quand la Colombie a bombardé un camps des FARC sur le territoire équatorien, en violation de sa souveraineté, a poussé les Latinos à créer un Conseil de la Défense, dont les Etats-Unis sont explicitement exclus. C’est une palteforme de résolution des conflits pour éviter qu’ils dégénèrent.
L’Unasur a également démontré son utilité en septembre dernier, lors d’une réunion d’urgence alors que la situation en Bolivie ne cessait de se dégrader : les chefs d’Etat réunis à Santiago ont réaffirmé leur appui à Evo Morales contre une opposition qui tentait de le déstabiliser, et exigé la mise en place d’une commission d’enquête (qui a rendu ses travaux avec diligence) sur le massacre d’au moins 30 personnes dans le département de Pando, dans le nord de la Bolivie.
L’Unasur n’a qu’un an, et on est très loin d’une structure similaire à celle de l’Union Européenne, mais pour la première fois, la majorité des pays de la région est convaincue que l’intégration régionale est la seule issue.