Le Brésil a beau avoir fait une des plus importantes découvertes de gisement de pétrole des trente dernières années dans les eaux profondes de son littoral sud-est, il continue à tenter de transformer l’éthanol en combustible du futur. Cet alcool, dérivé de la canne à sucre –et donc plus efficace et moins criminel pour l’alimentation mondiale que l’éthanol américain, issu du maïs – se veut une énergie propre, capable de supplanter l’or noir dans le futur. Le Brésil est le seul pays au monde dont la technologie et surtout les terres permettent une augmentation réelle de la production. C’est aussi le seul à avoir démontré qu’il ne s’agissait pas d’un sympathique combustible d’appoint élaboré dans des conditions artisanales. Plus de la moitié du parc automobile brésilien roule à l’alcool, et on commence à fabrique des avions qui en font de même. Pourtant, les dommages sont réels, pour l’environnement (déforestation, consommation excessive d’eau pour la culture de la canne à sucre, émission de CO2 via les incendies dans les champs etc…), de sécurité alimentaire (les exploitations optent pour la monoculture), et en termes de justice sociale (l’inflation conséquente du prix de la terre chasse les petits agriculteurs, accélère la concentration de la terre et liquide les espoirs de réforme agraire). L’éthanol est une solution, mais pas exclusive, même si le Brésil joue une carte importante sur la scène commerciale mondiale en tentant de l’imposer comme une matière première mondiale. Aux Etats-Unis et en Europe, on préfère répondre par des mesures protectionnistes, en favorisant les cultures locales, le maïs américain et la betterave européenne, qui sont pourtant loin d’être compétitives. L’Opep, qui craint de voir la prédominance du pétrole remise en question l’attaque sur la question alimentaire.
Mais pour empêcher le Brésil de devenir une «Arabie Saoudite verte », personne n’avait encore pensé à l’argument religieux. Un leader religieux vient de franchir le pas. Le cheikh Mohamed Al-Najimi, membre de l’Institut d’études de jurisprudence islamique de l’Organisation de la conférence islamique vient d’alerter les musulmans sur le fait que rouler à l’alcool est un péché. Dans un avertissement diffusé par la télévision Al-Arabiya, de Dubai, il estime que le combustible est le résultat d’une distillation comparable à celle des boissons alcoolisées. Pour éviter que les esprits ne s’échauffent, Mohamed Al-Najimi reconnaît toutefois que son commentaire n’est pas une fatwa, juste une annonce pour faire savoir que le thème doit être « étudié religieusement ». Les mauvais esprits souligneront que le cheikh est lui-même un ressortissant l’Arabie saoudite, le pays qui a le plus à perdre avec l’expansion de l’éthanol dans le reste du monde et en particulier dans les pays en voie de développement. Le Brésil, qui se targue, à raison, d’être un pays sans tension religieuse, va devoir se mettre au travail pour trouver de nouveaux arguments…