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Billet de blog 29 avril 2009

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Au Brésil, la grande presse a déjà son candidat

La grande presse brésilienne - s´emeut depuis deux semaines du train de vie des sénateurs et députés. On a découvert que la majorité d´entre eux utilisaient allègrement le volant de billets d´avion auxquels ils avaient droit

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La grande presse brésilienne - s´emeut depuis deux semaines du train de vie des sénateurs et députés. On a découvert que la majorité d´entre eux utilisaient allègrement le volant de billets d´avion auxquels ils avaient droit – un impératif dans ce pays continent, quand la capitale, Brasilia, est toujours à des milliers de kilomètres de leur Etat d´origine – pour faire voyager leurs proches, enfants, époux, amants et amis, aussi bien au Brésil qu`à Miami ou Paris. Un scandale dans un pays où l´immense majorité de la population peine à décrocher un salaire minimum – 465 reais, environ 160 euros.Le dégoût se fait haut-le-coeur quand on voit ces dignes représentants du peuple prêts à batailler à tout prix, pour garder ces billets ou du moins leur équivalent en argent. Une aubaine pour les journaux brésiliens, qui adorent ainsi alimenter la thèse du « tous pourris ».... L´hebdomadaire Veja, le plus lu du pays, et le plus réactionnaire aussi a consacré sa dernière une au sujet. Sur la couverture, une chasse d´eau : il suffirait de tirer la manette pour s´en débarrasser.

Puis on s´arrête, pour penser un peu. Ces billets sont plus ridicules que coûteux, plus représentatifs du mépris que portent certains élus à la chose publique que du niveau de corruption du Brésil. On s´arrête et puis on scrute ces nouvelles que la grande presse préfère occulter, pour se consacrer à conspuer des députés misérables. Dieu merci, au Brésil, une poignée de blogs permet d´en savoir plus sur ce qui se passe vraiment dans le pays, les scandales qui touchent non pas quelques dizaines de milliers de reais, mais des millions, et des projets politiques beaucoup plus grand. On apprend ainsi, grâce à au blog « Conversa fiada » de Paulo Henrique Amorim, (http://www2.paulohenriqueamorim.com.br/), que des députés du PSOL – formation politique à la gauche du Parti des Travailleurs de Lula), ont déposé plainte auprès du Procureur Public de l´État de sao Paulo, pour dénoncer la signature d´un contrat entre le gouverneur de l´Etat, José Serra, et la revue « nouvelle école » du groupe de presse Abril. L´Etat a souscrit 220 000 abonnements de la revue, destinée aux professeurs d´école. Les députés soulignent qu´il est totalement illégal de signer ce type de contrat sans appel d´offres. L´Etat prétend qu´il n´en a pas besoin, puisque la revue est la seule du type. Un grossier mensonge, puisque plusieurs autres concurrents, plus progressistes, font partie de ce marché (notamment « Carta Escola », édité par la revue « carta Capital » se partagent ce marché.

Personne dans la presse n´a jugé utile d´évoquer cette petite affaire, qui vaut la somme rondelette de 3,7 millions de reais, beaucoup plus que tous les billets d´avion réunis. C´est 25% du tirage de la revue, et ce n´est pas le seul. Le groupe Abril, qui détient notamment la revue Veja (tiens, tiens) totalise plus de 10 millions de reais de contrat avec l´Etat de Sao Paulo depuis l´arrivée de José Serra. Il est utile de rappeler pour nos lecteurs d´outre-Atlantique qu´il est le principal candidat d´opposition pour les élections de 2010. Sans vouloir jeter la pierre, on peut au moins dire que le sujet serait digne d´investigation. Dommage que la presse juge le contraire.