S'il est une qualité d'homme d'Etat que le Vénézuélien a démontré avec constance au cours de sa (presque) décennie au pouvoir, c'est celle de ne pas avoir peur de faire marche arrière, voire à se moquer de lui-même pour reprendre le dessus. Il l'a démontré à plusieurs reprises en politique intérieure quand il constatait avoir été trop loin, il vient de le faire de façon spectaculaire lors de son voyage en Espagne, au cours duquel il a rencontré le Roi d'Espagne. L'échange avait une valeur bien plus que protocolaire. Pour ceux qui s'étaient, à l'époque, exilés sur une île, je rappelle l'incident qui a opposé Juan Carlos à Hugo Chavez en novembre, à Santiago lors du sommet ibéro-américain. Devant les chefs d'Etats représentant les 22 pays de l'ensemble ibéro-américain, et les caméras respectives de leurs envoyés spéciaux, le Vénézuélien a consacré une partie de son discours à attaquer l’ex-chef de gouvernement espagnol José Maria Aznar, l’accusant notamment d’avoir appuyé le coup d’Etat organisé à son encontre en avril 2002 – de fait le président espagnol est le seul, avec le gouvernement des Etats-Unis à avoir reconnu le gouvernement fantoche qui a remplacé Hugo Chavez au pouvoir pendant 47 heures. Excédé par les attaques contre son ex-président, le roi Juan Carlos a lancé un retentissant « Por qué no te callas ! », « Pourquoi tu ne la fermes pas ? ». Outre l’agacement, le Roi vivait un moment particulier en Espagne, où des forces à droite comme à gauche s’interrogeaient sur le sens du maintien de la monarchie. La phrase a fait le tour du monde, les sites internet l’ont répété à l’infini avec jubilation, les opposants de Chavez dans le monde entier la reprenaient et faisaient imprimer des t-shirt avec la figure du Roi tançant le président vénézuélien. En Espagne, la popularité de Juan Carlos explosait.
En Amérique Latine, les réactions étaient plus mitigées, bien que les médias européens n’aient pas pris soin de le souligner : on a ri, certes, mais beaucoup se sont ému du fait que l’Espagne, ancien Empire, peut encore se permettre, ou croit pouvoir se permettre une réprimande paternaliste de la sorte. L’histoire n’arrangeait personne : ni Chavez ridiculisé, ni les entreprises espagnoles qui lancent une offensive sur toute l’Amérique Latine et le Venezuela en particulier. Ce week-end, les deux hommes ont tourné la page dans les embrassades, et dimanche, Hugo Chavez a eu le coup de génie (qu’on n’aime ou non ce personnage, il faut reconnaître ses talents politiques) d’apparaître à la télévision avec le t-shirt, offert par le Roi et de rire de l’épisode, reprenant une fois de plus l’initiative – je joins la vidéo de l’épisode, pour ceux qui comprennent l'espagnol, c'est très drôle. Il a même eu l’élégance de ne pas dire à la télévision qui avait d’abord offert le t-shirt à Juan Carlos. Les journalistes espagnols ont aussitôt cherché à en savoir plus : apparemment, c’est Georges Bush Père…