Cette fois-ci, personne n’admettra que la déclaration vienne d’un «mercenaire» cubain. Silvio Rodriguez, le troubadour dont les chansons ont ému, bien au-delà de l’île, toute l’Amérique Latine – on frémit encore en réécoutant «Ojala», que j’ai joint en document Youtube, juste pour le plaisir. L’engagement de Silvio Rodriguez à l’égard de la révolution cubaine est connue de tous, tout comme auprès des Mères de la Place de Mai en Argentine, ou des rares Chiliens qui se disent encore aujourd’hui de gauche. Et c’est pour cette raison que les déclarations du chanteur ont fait l’effet d’une bombe vendredi dernier.
En présentant son dernier disque, Segunda Cita, en présence du ministre de la Culture Abel Prieto, Silvio Rodriguez a demandé à son public d’être honnête et de cesser de répéter que tous les problèmes de Cuba sont dus au blocus américain. Ce dernier est inacceptable, injuste et imbécile, mais il s’est aussi transformé en arguments des plus rigides pour ne pas ouvrir la moindre porte à la critique. «Ce serait un mensonge de dire qu’ils sont coupables de tous les maux», a insisté le chanteur en demandant à tous de dépasser le R de « Révolution », pour passer à «évolution » : « c’est le moment de réviser plein de choses, plein de concepts, et même les institutions ».
Le presse officielle a soigneusement tu les déclarations de la star, mais internet et le bouche à oreille ont pris le relais. Car même si les apparatchiks ne veulent pas le reconnaître, la critique est vive à Cuba, au sein même de ceux qui voudraient sauver l’essentiel de la Révolution, ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain, et qui n’ont jamais été séduits pas les sirènes yankees. Il suffit de lire les articles publiés par le site de gauche Rebelión pour comprendre que la langue de bois n’a pas droit de cité partout. Les Cubains veulent que ça change, en gardant le meilleur, et ils veulent que ce soit maintenant.
D’autres grands chanteurs, tel Pablo Milanes, ont déjà réclamé des changements. Mais même ce dernier tient aux valeurs de la révolution, il a toujours marqué une certaine distance, un certain éloignement qui donne moins de poids à ses propos. Avec Silvio, c’est différent.