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Billet de blog 31 août 2009

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En Amérique latine, la déception Obama

«Yes we can !», «Si, se puede», «Sim, podemos !» : en anglais, en espagnol ou en portugais, l’élection de Barack Obama avait été célébrée comme une véritable bouffée d’oxygène dans une Amérique latine prête à tout pour retomber amoureuse des Etats-Unis.

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«Yes we can !», «Si, se puede», «Sim, podemos !» : en anglais, en espagnol ou en portugais, l’élection de Barack Obama avait été célébrée comme une véritable bouffée d’oxygène dans une Amérique latine prête à tout pour retomber amoureuse des Etats-Unis. Les années Bush, cumulées au désastre des politiques néolibérales mises en place par les gouvernements des années 90, avec le fort encouragement de Washington et des institutions multilatérales installées dans la capitale américaine, avaient fini par ériger un mur de défiance à l'égard des Etats-Unis. Chaque visite du chef d’Etat américain provoquait des manifestations hostiles, même au sein des populations qu’on jugeait les plus dépolitisées. Avec Obama, jeune, noir, minoritaire, on tournait la page. Même le président vénézuélien Hugo Chavez célébrait l’élection de «l’homme noir ». En avril, avec l’organisation du sommet des Amériques à Trinidad et Tobago, c’était carrément la déclaration d’amour. Là où Bush passait en courant d’air, Obama a pris le temps d’écouter le cahier de doléances de tous les autres membres de l’Organisation des Etats Américains, en commençant par l’exigence de réintégrer Cuba, expulsé au début des années 60. Dans la foulée, il a annoncé la fin des restrictions d’envoi d’argent des ressortissants cubains installés aux Etats-Unis à leurs familles dans l’île. Ils ont aussi retrouvé le droit de visiter les leurs plus d’une fois tous les trois ans, limite mise en place par Bush. Obama a aussi abandonné la rhétorique d’«axe du diable » à l’encontre des présidents les plus radicaux de la région, en particulier à l’égard d’Hugo Chavez. Les journaux du monde entier ont publié la photo des deux hommes, se serrant la main, tout sourires, en marge du sommet des Amériques, à Trinidad et Tobago. En légende, cette phrase du président vénézuélien, qui sonne comme une main tendue : « je veux être ton ami ». A Washington, quelques jours plus tard, la secrétaire d’Etat Hillary Clinton enfonce le clou en reconnaissant «l’échec » de la politique américaine du Venezuela, de la Bolivie, de l’Equateur, et bien sûr, Cuba. «Quand on fait le tour, on voit une série de pays et de leaders – Chavez est l’un d’entre eux, mais pas le seul - qui sont devenus au cours des huit dernières années devenus de plus en plus négatifs à l’encontre des Etats-Unis. L’administration précédente a essayé de les isoler, d’aider leurs opposants, et de les transformer en parias internationaux, ça n’a pas marché », a-t-elle déclaré devant les employés du département d’Etat. Une petite révolution. En Amérique Latine, l’enthousiasme est grand alors, même si la prudence reste de mise. Le petit cadeau fait par Hugo Chavez à Barack Obama en marge du sommet des Amériques en est le symbole : le chef d’Etat vénézuélien a offert à son homologue américain un livre, «Les Veines ouvertes de l’Amérique Latine », d’Eduardo Galeano. Tout le monde a sourit de l’ironie : l’ouvrage de l’auteur uruguayen est un pamphlet sur l’interventionnisme américain en Amérique Latine. Apparemment, le message n’est pas passé. En quelques semaines, Obama a réussi à balayer tous ces gestes de bonne volonté. Il a commencé par confirmer la réactivation de la quatrième flotte de la marine américaine, chargée de patrouiller les eaux d’Amérique du Sud et des Caraïbes. Un scandale, en particulier aux yeux du Brésil, qui souligne que les navires américains stationnent juste au-dessus des gigantesques réserves de pétrole découvertes depuis 2007 au large de ses côtes. Le coup d’Etat en Honduras devait permettre à Obama de démontrer ses nouvelles résolutions. Il n’en a rien été. Certes, le président s’est prononcé contre le coup d’Etat « illégal ». Mais l’administration américaine n’a pas classé l’épisode comme « coup d’Etat » - ce qui l’aurait notamment obligé de mettre fin à ses aides au petit pays d’Amérique centrale. Et Hillary Clinton s’est même montrée beaucoup moins engagé que son président, en refusant de se dire en faveur du retour de Zelaya. Alors que tout le monde s’accorde pour affirmer que les Etats-Unis sont les seuls à pouvoir contraindre le gouvernement putschiste à se retirer, ils refusent de jouer les arbitres, préférant se ranger derrière l’Organisation des Etats Américains (OEA), qui n’a aucun pouvoir réel. Pour l’Amérique centrale, dont l’histoire du XXème siècle a été marquée par des coups d’Etat appuyés par les Etats-Unis, le message est limpide : rien n’a changé, ou presque. Et si certains avaient encore quelques doutes, l’annonce, il y a quelques semaines, de l’installation de sept bases militaires américaines en Colombie arrive comme une cerise sur le gâteau. L’Unasur, qui réunit douze pays d’Amérique du Sud a organisé une réunion d’urgence ce week-end pour protester contre la décision. La Colombie persiste et signe. Les Etats-Unis aussi. Entre temps, Obama a réaffirmé son soutien au président mexicain dans sa militarisation à l’efficacité contestable dans la lutte contre la drogue. Les banquiers, qui placent les fonds de la drogue ne sont pas inquiétés et les grands magasins du quartier chic de Polanco continuent à pratiquer du blanchiment d’argent en toute impunité. Les petits paysans du nord du Mexique, à la frontière des Etats-Unis ont en revanche droit à un couvre-feu qui n’a jamais été voté au Congrès, et à des violations permanentes des droits de l’homme sur lesquelles il faut fermer les yeux, au nom de la «guerre contre le narcotrafic ». Si Obama a changé quelque chose dans la politique étrangère des Etats-Unis, ce n’est pas avec l’Amérique Latine que ça se passe.