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Billet de blog 13 octobre 2025

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Léon Trotski toujours pas mort..!

Et en tous cas, il pense encore. Cette longue citation, dont l'à-propos peut sembler stupéfiant en ces temps de débâcle politique française, est issue du dernier chapitre de l'un de ses derniers ouvrages, "La Révolution trahie", paru en août 36.

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" Le bonapartisme, régime de crise

La question que nous avons posée plus haut, pour le lecteur: Comment se fait-il que le groupe dirigeant ait pu en dépit de ses fautes sans nombre, acquérir un pouvoir illimité? ou en d'autres termes: Comment expliquer le contraste entre la médiocrité idéologique des thermidoriens et leur puissance matérielle? Cette question peut recevoir maintenant une réponse sensiblement plus concrète et plus catégorique. La société soviétique n'est pas harmonieuse. Ce qui est vice pour une classe ou couche sociale est vertu pour l'autre. Si, du point de vue des formes socialistes de la société, la politique de la bureaucratie étonne par ses contradictions et ses discordances, elle apparaît comme fort conséquente du point de vue de l'affermissement des nouveaux dirigeants.

L'appui de l'Etat au paysan cossu (1923-1928) constituait un danger mortel pour l'avenir du socialisme. Mais la bureaucratie, aidée de la petite bourgeoisie, réussit à ligoter l'avant-garde prolétarienne et à écraser l'opposition bolchevique. Ce qui était "erreur" du point de vue socialiste était bénéfice net du point de vue des intérêts de la bureaucratie. Cependant, quand le koulak commença à la menacer elle-même, elle se retourna contre lui. L'extermination panique des paysans aisés, étendue aux paysans moyens, ne coûta pas moins cher au pays qu'une invasion étrangère. La bureaucratie maintint ses positions. L'allié d'hier défait, elle se mit à former avec la plus grande énergie une nouvelle aristocratie. Sabotage du socialisme? Evidemment, mais aussi affermissement de la caste gouvernante. La bureaucratie ressemble à toutes les castes dirigeantes en ce sens qu'elle est prête à fermer les yeux sur les fautes les plus grossières de ses chefs en politique générale si, en revanche, ils lui sont absolument fidèles dans la défense de ses privilèges. Plus les nouveaux maîtres sont inquiets et plus ils apprécient la répression sans merci de la moindre menace concernant leurs droits bien acquis. C'est sous cet angle qu'une caste de parvenus sélectionne ses chefs. Et c'est là le secret de Staline.

Mais la puissance et l'indépendance de la bureaucratie ne sauraient croître indéfiniment. Il y a des facteurs historiques plus forts que les maréchaux et même que les secrétaires généraux. La rationalisation de l'économie ne se conçoit pas sans inventaire précis. L'inventaire est incompatible avec l'arbitraire bureaucratique. Le souci de rétablir un rouble stable, c'est-à-dire indépendant des "chefs", est commandé à la bureaucratie par la contradiction de plus en plus accusée entre son pouvoir absolu et le développement des forces productives du pays. La monarchie absolue devint ainsi autrefois incompatible avec le développement du marché bourgeois. Le calcul monétaire ne peut manquer de donner une forme plus ouverte à la lutte des diverses couches de la population pour la répartition du revenu national. Le barème des salaires, à peu près indiffèrent à l'ouvrier à l'époque des cartes de vivres, acquiert désormais pour lui une importance capitale; et dès lors se pose la question des syndicats. La nomination, venant d'en haut, des fonctionnaires syndicaux se heurtera à une résistance de plus en plus tenace. Enfin, le travail aux pièces intéresse l'ouvrier à la bonne gestion des entreprises. On voit les stakhanovistes se plaindre de plus en plus fréquemment des défauts d'organisation de la production. Le népotisme bureaucratique qui sévit dans la désignation des directeurs, des ingénieurs et du personnel industriel en général, devient de moins en moins tolérable. La coopération et le commerce étatisé tombent bien plus qu'auparavant sous la dépendance des consommateurs. Les kolkhozes et leurs membres apprennent à traduire leurs relations avec l'Etat dans le langage des chiffres. Ils ne souffriront pas toujours qu'on leur désigne des administrateurs dont souvent le seul mérite est de convenir aux bureaucrates locaux. Enfin, le rouble promet de porter la lumière dans le domaine le plus secret: celui des revenus licites et illicites de la bureaucratie. Et la circulation monétaire devenant, dans un pays politiquement étouffé, le moyen puissant de la mobilisation des forces d'opposition, annonce le déclin de l'absolutisme "éclairé"."

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